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Chroniques
Gioachino Rossini
Il signor Bruschino | Monsieur Brusquin
La Cambiale di matrimonio, La Scala di seta, Il Signor Bruschino… Du Festival de Schwetzingen, après L’Enlèvement au sérail présenté ici même [lire notre critique du DVD], nous reviennent, captés entre 1989 et 1990, les premiers opéras d’un jeune Rossini de vingt ans à peine, qu’il créa au Teatro San Mosé de Venise. Ce sont d’exquises miniatures allant de la farce à l’opéra-bouffe, mais on y trouve déjà les prémices du futur grand génie que fut notre Cygne de Pesaro, même si l’influence d’un Cimarosa se fait encore sentir.
De ces opéras sans prétention, Michael Hampe à la mise en scène et Gianluigi Gelmetti au pupitre tentent de tirer le meilleur. Il n’en demeure pas moins, globalement, une impression de déjà vu et de léger ennui, malgré l’engagement des principaux protagonistes. L’Orchestre Radio Symphonique de Stuttgart est enfin sorti de l’apathie qu’on lui a connue ailleurs. Il semble que chef et orchestre soient, décidément, plus à l’aise avec le jeune Rossini qu’avec un Mozart du même âge… Sans grande magie, mise en scène, décors et costumes sont d’un traditionnel digne d’un bon théâtre de boulevard, telles qu’on aurait pu les voir lors de leurs créations entre 1810 et 1812. Heureusement que la captation en DVD – une réussite – restitue les gros plans et les jeux de scène des chanteurs, rendant plus accessibles les intrigues.
Il Signor Bruschino, dernier des opéras créés au San Mosé, clôt cette période de façon éclatante et spirituelle. Avec l’opera seria Tancrède et l’Italienne à Alger qui suivront, Rossini atteint réellement à la gloire et à la célébrité européenne. En attendant, cette « farza giocosa » d’après une œuvre française – le Fils par hasard ou Ruse et Folie de Chazet et Ourry – est un pur délice. Après une ouverture hyper fréquentée, reconnaissable entre toutes pour ces petits coups d’archet des cordes sur les pupitres, on retrouve pour cet ultime petit chef-d’œuvre l’ensemble des meilleurs protagonistes des autres DVD, en tête Alessando Corbelli (excellent Gaudenzio Strappapuppole), mais aussi Carlos Feller et Alberto Rinaldi, les dames Amelia Felle et Janice Hall ayant échangé leurs rôles de maîtresse et de servante, par rapport à La Cambiale di matrimonio [lire notre critique du DVD].
Gaudenzio, le tuteur de Sofia a décidé de la marier à Bruschino que personne ne connaît, sauf pour sa réputation de panier percé, joueur et coureur de jupons impénitent. Apprenant qu’il est, pour ces motifs, retenu par son aubergiste, Florville, amant de Sofia, se fait passer pour Bruschino, auprès du tuteur Gaudenzio afin d’épouser sa belle. Avec l’arrivée du (vrai) père de Bruschino, la situation se complique et s’envenime, le père refusant non seulement de reconnaître son (faux) fils mais le maudissant. Comme toujours, le happy end n’est pas loin et Sofia épousera le faux Bruschino, Florville.
Si l’on en croit Stendhal, l’opéra déconcerta le public de l’époque par ses outrances novatrices, toujours liées à une trop riche orchestration, des ensembles déroutants des huit chanteurs – dignes de Cenerentola – et des airs élégiaques, inattendus dans ce type d’ouvrage bouffe. Écoutez le grand air de Sofia avec sa longue introduction orchestrale et son cor anglais obligé, il est simplement sublime. De par sa construction et sa longueur, on pense au Mozart des grands opéras italiens ou des airs de concert… Malgré une distribution perfectible, Il signor Bruschino est peut-être le plus riche et le plus réussi de cette trilogie hautement recommandable.
MS