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Chroniques
Giovanni Bottesini
Ero e Leandro | Héro et Léandre
Dans la seconde moitié du XIXe siècle italien, Giovanni Bottesini (né à Crema le 22 décembre 1821) multiple les talents artistiques, à la fois contrebassiste de renommée internationale, chef d’orchestre très apprécié (on lui doit, entre autres, la création d’Aïda, en 1871) et compositeur d’œuvres variées (notamment pour son instrument et les cordes en général, comme pour le théâtre). Fils de clarinettiste, il reçoit ses premières leçons de musique d’un oncle violoniste à la chapelle musicale de Crémone, complétées par celles reçues au Conservatoire de Milan auprès de Rossi, Vaccai, Basili et Piantanida. Avant même la fin de ses études, il commence à se produire en soliste. En 1889, Bottesini devient directeur du Conservatoire de Parme, ville où il s’éteint le 7 juillet de la même année.
Comme compositeur d’opéras, Bottesini débute en 1848 avec un ouvrage en espagnol, Colón en Cuba, représenté à La Havane à l’occasion d’une tournée passant par les Caraïbes. Suivront L’assedio di Firenze (Paris, 1856), Il diavolo della notte (Milan, 1858), Marion Delorme (Palerme, 1862), Vinciguerra il bandito (Monaco, 1870), Alì Babà (Londres, 1871), Ero e Leandro (Turin, 1879) et La regina del Nepal (Turin, 1880). Le livret de l’ouvrage qui nous intéresse, écrit par Arrigo Boito pour son propre compte, est finalement cédé à l’ami Bottesini. Ce dernier achève le travail fin 1875, mais revoit la partition sur les conseils de Boito et du chef Pedrotti. Accompagnée d’un immense succès, la représentation de l’ouvrage, le 11 janvier 1879, est la première d’une trentaine au total.
Sur les traces de La Gioconda de Ponchielli ou du Mefistofele de ce même Boito [lire notre critique du DVD], les trois actes aux allures d’oratorio mettent en scène la prêtresse de Vénus nommée Ero, le valeureux Leandro d’Abydos et le perfide Ariofame, archonte de Thrace et Roi des Sacrifices. Ce dernier, plusieurs fois repoussé par la jeune femme, la voit sans plaisir se rapprocher du jeune héros. Il exile ce dernier et enferme la jeune vierge dans une tour située en pleine mer, future offrande. Leandro rejoint sa bien-aimée à la nage, mais périt au retour dans les vagues déchaînées. Découvrant son corps sur la grève au moment de marcher au sacrifice, Ero meurt de douleur, laissant l’archonte furieux et impuissant.
Rendue possible par l’Associazione Musicale Giovanni Bottesini, cette production datée de septembre 2009, que mettent en scène Laura Borello et Gregorio Zurla, se tient dans la ville natale du compositeur, au Teatro San Domenico. Malheureusement, la bonne volonté locale ne rime pas souvent avec perfection artistique. L’Orchestra Filarmonica del Piemonte se révèle assez grossier (cordes fausses, cuivres rugueux, etc.) et le Coro Claudio Monteverdi fait se qu’il peut, plutôt bien dans les passages orgiaques mais dérapant au moindre piano. Si ce n’était par conscience professionnelle, on n’irait pas au bout de cette heure quarante qui a tout de la générale de patronage – et l’on dirait, comme le vilain prêtre : « Que la musique des trompettes sacrées fasse place au silence » !
Heureusement, portant un livret soigné qui compense une action des plus minces – salmigondis de pureté et de débauche –, le trio principal est une raison d’aller jusqu’aux saluts. Ayant lui aussi quelques passages difficiles, Roberto Scandiuzzi (Ariofame) n’en reste pas moins une basse expressive et colorée, à l’autorité naturelle. Gian Luca Pasolini (Leandro) s’avère un ténor tranquille et brillant, au chant évident, à l’onctuosité corsée. Enfin, incarnant Ero avec un physique de rêve et un visage bouleversant de simplicité expressive, Véronique Mercier livre sa partition avec souplesse, prudence et concentration, sans que le contrôle ne devienne jamais laborieux. Elle est simplement touchante de fragilité.
SM