Chroniques

par samuel moreau

Giuseppe Verdi
Don Carlo

2 DVD Opus Arte (2005)
OA 0932 D
Giuseppe Verdi | Don Carlo

Créé le 11 mars 1867 à l'attention du public parisien, sur un livret en français de Camille du Locle et Joseph Méry, et suite à une commande de Napoléon III, Don Carlos durait à l'origine trois heures et demie. Puisqu'il s'était plié à des normes lyriques dans la tradition de Meyerbeer, Verdi insistait pour que l'œuvre soit donnée intégralement, mais en 1882-83, c'est lui-même qui tente une version abrégée, avec le librettiste Antonio Ghislanzoni. Une grande partie du premier acte est supprimée, si bien que c'est un opéra en quatre actes qui se monte en italien à La Scala de Milan, le 10 janvier 1884.

Pour le metteur en scène Willy Decker, Don Carlo se caractérise par une « atmosphère de répression et de rejet de la vie ». L'appel de la liberté est omniprésent, qu'il soit politique, religieux et amoureux, mais tel ce Christ récurrent sur scène, le fils finira sacrifié à la loi du père, tout comme le roi Filippo II – cette production du Het Muziektheater Amsterdam est chantée dans la langue de Dante – sera lui-même soumis au Grand Inquisiteur, inflexible et aveugle de surcroît. Lorsque Rodrigo dit à son ami : « apprends à devenir un roi parmi les opprimés », la charge est lancée contre les despotes de l'univers qui se sont juste donné la peine de naître et, parés d'œillères, ne s'occupent que de leur bon plaisir. Cernés par des murs garnis de tombeaux d'ancêtres, habillés de marbrures, les protagonistes souffrent tous de la proximité de la mort et de l'éloignement de l'amour. Des solistes au chœur féminin, vif et habité, tous sont dirigés avec soin.

Dans le rôle-titre, Rolando Villazón peut agacer par un timbre acide, des aigus souvent nasalisés et un faciès grimaçant qui, au mieux, nous fait penser aux impayables épisodes de Mr Bean. Mais le timbre est corsé, les aigus faciles et le chanteur mexicain ménage des nuances à son chant, volontiers expressif, gagnant en souplesse à partir de la scène de la prison.

Si Amanda Roocroft (Elisabetta di Valois) livre une honnête prestation, on lui préfèrera le timbre riche, la conduite exemplaire et la maîtrise parfaite sur toute la tessiture de Violeta Urmana, princesse d'Eboli présente et sensible. Robert Lloyd (Filippo II) possède une voix large, un chant évident. Dwayne Croft (Rodrigo) est un baryton coloré et vaillant, qui finit par nuancer.Jaako Ryhänen en impose physiquement en Grande Inquisitore, mais il n'est pas toujours juste, et ses graves manquent de corps.

Après des préludes de toute beauté, Riccardo Chailly, à la tête du Royal Concertgebouw Orchestra, met toute son élégance à accompagner ce plateau de choix.

SM