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Chroniques
Giuseppe Verdi
La forza del destino | La force du destin
C'est à Madrid, en 1835, qu'est créé Don Alvaro o La fuerza del sino, un drame d'Ángel de Saavedra, duc de Rivas (1791-1865), qui, quelques années plus tard, va permettre à Verdi de répondre à une commande de Saint-Pétersbourg à l’approche de la saison 1861-62. Pour le musicien, il y a certes là matière à opposer une aristocratie enragée à défendre son honneur, sans aucun compromis possible, à des gens ordinaires mus par le besoin (la vente de bijoux, à la fin de l'Acte III) et par la faim (les rations distribuées au début de l'Acte IV), mais aussi l'occasion de rendre en musique la vie dans un campement militaire – grâce aux scènes puisées dans Le Camp de Wallenstein de Schiller. En collaboration avec Francesco Maria Piave, le compositeur met au point son livret de La Forza del Destino qui d'un coté cherche la simplification du drame en fusionnant plusieurs personnages (à l'origine, Leonora a deux frères assoiffés de vengeance) et de l'autre s'éloigne de la source espagnole en faisant voyager la plupart de ses personnages jusqu'en Italie.
La maladie de la prima donna Emma La Grua ayant empêché la création à la date prévue, celle-ci a lieu au Théâtre Mariinski le 10 novembre 1862. L'opéra est ensuite présenté à Madrid (1863) puis à Vienne (1865). C'est à l'occasion de sa création milanaise que Verdi revient sur son ouvrage, avec l'aide d'Antonio Ghislanzoni, librettiste d'une nouvelle génération qui ressuscite Alvaro – que Piave faisait se jeter dans le vide. Réduite à trois actes, la version revue est présentée au Teatro alla Scala le 20 février 1869, dans une mise en scène de Verdi lui-même. La production de Nicolas Joel pour le Teatro Comunale de Firenze, en 2007, recule discrètement la date de l'action d'environ un siècle, la rendant ainsi contemporaine de cette unification italienne en marche, si chère au cœur du compositeur. S'il est difficile d'animer des militaires et des religieux, le metteur en scène n'aurait-il pas pu rendre moins statiques les autres personnages ?
Malgré quelques réserves, l'intérêt de cet enregistrement repose sur les chanteurs invités : Violeta Urmana (Leonora au chant souple, large, mais assez monotone), Carlo Guelfi (Don Carlo qui paraît essoufflé avant de trouver de l'assurance), Marcello Giordani (Don Alvaro à l'émission évidente autant qu'inconstante, livrant des notes tendues voire loupées), Julia Gertseva (Preziosilla ardente et charnue), Roberto Scandiuzzi (Padre Guardiano nuancé mais précautionneux), Bruno De Simone (Fra Melitone vaillamment bouffe), Duccio Dal Monte (Marchese di Calatrava sonore bien que caverneux), etc. Signalons la voix brillante et juvénile de Filippo Polinelli (un alcade), déjà repéré dans Rossini [lire notre chronique du 22 janvier 2007]. En fosse, Zubin Mehta nous happe dès l'ouverture, avec une direction vive autant que nuancée, profitant des cordes nerveuses et des cuivres clairs de l'Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino. LB