Recherche
Chroniques
Giuseppe Verdi
Otello | Othello
« Shakespeare, écrit Wagner dans Opéra et Drame (1851), avec son théâtre d’une durée limitée à l’action représentée par des êtres humains véritables, donna vie à l’histoire et au roman avec une telle vérité qu’il fut le premier à représenter des êtres humains dans toute la complexité de leur individualité. Aucun autre poète ne fit cela avant lui ».
Attaché à écrire ses propres livrets et arguments, le maître de Bayreuth a laissé à d’autres le soin de mettre en musique l’auteur d’Hamlet. Giuseppe Verdi (1813-1901) ne s’en est pas privé puisqu’au Macbeth de sa jeunesse (1847), adapté par Francesco Maria Piave [lire notre critique du DVD], succèdent Otello (1887) et Falstaff (1893), les ouvrages de l’âge mûr écrits en collaboration avec le compositeur-librettiste Arrigo Boito, ainsi que l’inachevé Re Lear dont le projet s’étala sur un quart de siècle sans jamais voir le jour (1843-1867).
Drame lyrique en quatre actes, l’adaptation d’Othello, the Moor of Venice (1604) met un terme à plus d’une décennie durant laquelle Verdi, à la suite d’Aida (1871), s’est éloigné de la scène, offrant juste révisions et remaniements à Simon Boccanegra (1857/1881) et Don Carlos (1867/1884). Otello lui demande huit ans de travail et triomphe au Teatro alla Scala (Milan), le 5 février 1887, apprécié pour son équilibre entre vocalité italienne – qui s’éloigne du bel canto au profit d’une déclamation plus libre – et orchestre allemand.
En août 2008, le Salzburger Festspiele présentait le huitième opéra le plus joué de Verdi, mis en scène par Stephen Langridge de façon somme toute classique mais animée, rappelant par un Iago tirant des rideaux, ici et là, à quel point il est le personnage principal voulu par le compositeur. En fosse avec les Wiener Philharmoniker, Riccardo Muti offre attaques flamboyantes, contrastes expressifs et énergie paradoxalement sertie, tout en restant attentif aux voix.
On apprécie également le trio vocal principal : Aleksandrs Antonenko (rôle-titre) offre puissance et lumière, Marina Poplavskaïa (Desdemona) s’avère infiniment nuancée, chaleureuse et veloutée – la diction passable étant compensée par un legato sublime –, tandis que Carlos Álvarez (Iago), baryton stable mais manquant de graves et trop grimaçant, possède un côté « brave homme » qui fonctionne dans cette histoire de trahison.
La distribution ne serait pas complète sans l’efficace Barbara di Castri (Emilia), le très clair Stephen Costello (Cassio), Antonello Ceron (Roderigo), l’ample Mikhaïl Petrenko (Lodovico), le vaillant Simone Del Savio (Montano) et le prometteur Andrea Porta (un héraut).
LB