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Chroniques
Giuseppe Verdi
I masnadieri | Les brigands
Moins de trois ans après Giovanna d’Arco [lire notre critique du DVD], Giuseppe Verdi (1813-1901) revient à Friedrich Schiller (1759-1805), l’auteur qu’il mettrait le plus en musique tout au long de sa vie, juste après Shakespeare. Jeune médecin militaire ayant d’abord crayonné de la poésie amoureuse, le natif de Marbach am Neckar fait paraître Die Raüber (Les brigands, 1781), sa première pièce créée au mois de janvier suivant, à Mannheim. Emblématique du mouvement Sturm und Drang, elle est une proclamation de la licence individuelle (« la liberté enfante des colosses et des prodiges »), dans une société corrompue et perverse.
Lorsque commence l’opéra, Carlo Moor, fils ainé du comte Massimiliano, attend le pardon de son père pour quelques errements de jeunesse au milieu de marginaux plus ou moins délinquants. Mais c’est une lettre de répudiation définitive qui arrive, signée de son frère cadet, Francesco ; le choc est tel qu’il se résigne à devenir le meneur d’une bande désormais hors-la-loi. Or, Francesco a tout orchestré pour se débarrasser de lui, comme il organise à présent l’annonce de la mort de Carlo, l’emprisonnement d’un aïeul bien gênant et son mariage avec Amalia, leur cousine promise à l’exilé. Malgré le suicide de Francesco, les amants contrariés ne seront réellement réunis qu’une fois la mort venue pour eux aussi.
Après Milan (1839), Venise, Rome (1844), Naples (1845) et Florence (1847), Verdi honore une première commande de l’étranger : celle de l’Her Majesty’s Theatre (Londres), principal concurrent de la Royal Opera House. Si le compositeur a le dernier mot concernant l’ouvrage à présenter – sans doute parce qu’il doit son sujet au célèbre Byron, le directeur songeait plutôt à Il corsaro, finalement monté à Trieste (1848) [lire notre critique du DVD] –, il doit céder à la demande de diriger lui-même la première représentation du 22 juillet 1847.
Le spectacle est mal accueilli, auquel on reproche un livret désolant signé Andrea Maffei, le langage grossier des brigands mais encore, telle la reine Victoria, « la musique […] très inférieure et d’une grande banalité » – ici portée durant quatre actes par Nicola Luisotti, avec une force contenue et beaucoup de nuances. Cela explique peut-être la place peu enviable d’I masnadieri dans le classement des ouvrages joués : dix-huitième sur les vingt-six écrits par l’Italien et deux cent vingt-neuvième au rang mondial – toujours juste après I vespri siciliani, dans les deux cas.
En mars 2012, au Teatro di San Carlo (Naples), Gabriela Lavia installe le mélodrame dans une friche envahie de gravats et de graffitis, d’une « punkitude » assez sage pour se laisser oublier. On y entend Aquiles Machado (Carlo), ténor vaillant à l’introspection fréquente, délicate autant que périlleuse, et Artur Ruciński (Francesco), baryton vibrant et expressif, mais surtout la Vénézuélienne Lucrecia Garcia (Amalia), soprano tendre et lumineux, tout en aisance et souplesse. Walter Omaggio (Arminio), singulièrement instable, Massimiliano Chiarolla (Rolla), d’une grande clarté sonore, Dario Russo (Le prêtre Moser) et Giacomo Prestia (Comte de Moor) complètent la distribution de cette rareté télévisuelle.
LB