Chroniques

par laurent bergnach

Giuseppe Verdi
Giovanna d’Arco | Jeanne d’Arc

1 DVD C Major (2012)
721208
Giuseppe Verdi | Giovanna d’Arco

Aujourd’hui, un rapide descriptif offert en bonus nous l’apprend : en termes de représentations, Giovanna d’Arco se situe à la vingt-et-unième place des vingt-six opéras engendrés par Verdi, depuis sa création à la Scala, le 15 février 1841. Avec justice dirons-nous, car enfin, comment peut-on rester sans hurler ou rire à tue-tête – et en particulier certains spectateurs, toujours vifs à huer sans réserve une mise en scène un peu décalée mais cohérente – devant ce qu’un compositeur et son librettiste purent inventer de plus farfelu en revisitant un épisode historique, à des lieues du travail à venir de Claudel et Honegger [lire notre critique du DVD] ?

En 1429, pendant la guerre de Cent ans, le roi de France Carlo (Charles VII) vient d’abdiquer et dépose les armes au pied d’une statue de la Vierge qui lui est apparue en rêve, dans un lieu qu’on prétend hanté, non loin de Domrémy. Là, il rencontre la bergère Giovanna qui a reçu l’ordre de combattre à ses côtés et lui redonne courage. Tapi dans l’ombre, Giacomo, le père de Giovanna, imagine aussitôt que sa fille est une sorcière qui entretient une liaison impure avec le roi. Le vieillard fait donc allégeance à l’envahisseur anglais, promettant de lui livrer la guerrière. Entre temps, le roi avoue son amour à la jeune fille, laquelle partage ses sentiments tout en craignant de trahir sa mission. Se sentant coupable, elle n’arrive pas à se défendre lorsque son père l’accuse publiquement de sorcellerie ; elle est bannie et livrée aux Anglais. Lorsque Giacomo réalise qu’il s’est mépris sur l’innocence de Giovanna, il la libère et lui donne sa bénédiction avant qu’elle reparte au champ de bataille. Mortellement blessée, elle y trouve la mort.

Quarante ans avant Tchaïkovski [lire notre critique du DVD], le livret de Temistocle Solera s’empare de Die Jungfrau von Orleans (1801), le drame complexe de Schiller, et le dénature avec la bénédiction de Verdi qui cherche seulement, selon le musicologue Anselm Gerhard, « à regrouper dans une œuvre le plus grand nombre possible des innovations récentes de la scène d’opéra » – signées Halévy, Donizetti, Meyerbeer, etc. Au Teatro Regio de Parme, en octobre 2008, Gabriele Lavia parie avec succès sur des costumes fastueux (camaïeu de rouge, bleu et jaune), des accessoires au détail soigné, qui tranchent avec des décors minimalistes, facilement interchangeables.

Des vingt-sept personnages originaux, il n’en reste que cinq à l’opéra. Svetla Vassileva incarne le rôle-titre avec un chant ferme et fluide, bien mené et nuancé, qui la rend attachante. Evan Bowers s’avère un ténor clair et tendrement vaillant (Carlo VII, roi « si jeune et malheureux »). Star verdienne incontestée, Renato Bruson campe un pater familias terne mais sonore qui, en sacrifiant sa fille, « offre à Dieu un holocauste de honte et de douleur » (!). Maurizio Lo Piccolo (Talbot), plein de santé, et Luigi Petroni (Delil) complètent la distribution. Enfin, Bruno Bartoletti dirige l’orchestre local avec nuance et relief – à l’instar des vents souples et légers qui embellissent l’Ouverture.

LB