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Chroniques
Gustav Mahler – Arnold Schönberg
Symphonie n°4 – Sechs Orchesterlieder Op.8 (transcriptions)
D'emblée, une Anaclase ! pour cette fort belle gravure réalisée par l'ensemble belge Oxalys pour Fuga Libera ! Qu'on ne se fie pas au titre : certes, vous y entendrez bel et bien la Quatrième de Gustav Mahler et les Sechs Orchesterlieder Op.8 d'Arnold Schönberg, mais dans des réductions pour petite formation conçues tout spécialement pour les concerts de la société de ce dernier qui, l'on s'en souvient, présentaient le répertoire nouveau ou récent, souvent adapté aux moyens du bord. En janvier 1921, les adhérents privilégiés de la fameuse association viennoise purent ainsi découvrir l'exceptionnel travail fait à partir des partitions précitées, pratiquement contemporaines, puisque la symphonie avait été achevée en août 1900 et que l'opus 8 fut mis en chantier à l'automne 1903.
Comme c'est souvent le cas, la version chambriste – quand il ne s'agit pas, plus radicalement encore, de transcriptions pour deux pianos ou piano à quatre mains – révèle plus certainement encore que l'original l'architecture de l'œuvre. Les musiciens d'Oxalys servent d'une verve enjouée à l'enjôleuse mobilité la version d'Erwin Stein, reconstituée en 1993 par Alexander Platt. Rappelons du premier, compositeur et chef d'orchestre, qu'il fut élève et collaborateur fidèle de Schönberg, dut lui aussi s'exiler d'une Vienne brutalement annexée (1938), choisissant Londres où il eut bientôt à charge d'importantes responsabilités aux éditions musicales Boosey and Hawkes. En Angleterre, il fit également partie du cercle des amis et collaborateurs de Britten. Le second est un jeune chef d'orchestre newyorkais très actif dans son pays d'origine, tant au concert qu'à la fosse, la critique saluant sa direction d'A midsummer night's dream et de Death in Venice (Britten), du Bon soldat Schweik (Kurka) et de la première à Chicago d'Erwartung (Schönberg) ; l'on précisera qu'il est un habitué des versions de chambre d'œuvres de Mahler, ayant dirigé les adaptations écrites par Schönberg des Lieder eines fahrenden Gesellen et du Das Lied von der Erde, sans compter sa propre reconstitution du travail de Stein qu'il créa en novembre 1993 à la tête du Britten-Pears Ensemble et qu'il donnait encore en août dernier à New York.
Outre de présenter l'avantage de sensiblement dessiner le squelette de la Quatrième, cet enregistrement magnifie la tendresse intrinsèque de la symphonie, soigneusement servie par la prestation infiniment nuancée de la soprano Laure Delcampe. On la retrouve dans les splendides Orchesterlieder Op.8 de Schönberg. Natur, le premier, fut adapté par Hanns Eisler, l'un des grands brechtiens interdits par le national-socialisme dès 1933. On ne racontera pas une énième fois l'histoire tourmentée de ce compositeur – on pourra consulter l'article de notre confrère concernant un enregistrement du Quatuor Johannes [lire notre critique du CD] – mais on rappellera que, bien que Schönberg le rejetterait bientôt, le talent d'arrangeur d'Eisler s'était dès 1919 illustré dans le cadre des concerts de son association par sa transcription de la Septième de Bruckner. La réduction de Das Wappenschild et Voll jener Sübe, deuxième et sixième pages du cycle, est de la main d'Erwin Stein. Les trois autres – Sehnsucht, Nie ward ich, Herrin, müd et Wenn Vöglein klagen – furent transcrites par le chef d'orchestre Klaus Simon il y a deux ans. Laure Delcampe, au chant si velouté dans Mahler, surprend positivement par une expressivité ici plus contrastée.
En tout point INDISPENSABLE !
HK