Chroniques

par bertrand bolognesi

Gustav Mahler
Symphonie en do dièse mineur n°5

1 CD Deutsche Grammophon (2007)
477 6545
Gustav Mahler | Symphonie n°5

Livraison passionnante entre toutes, cette Cinquième de Mahler sacre Gustavo Dudamel comme le chef sans doute le plus inspiré de sa génération. Les salves de la Trauermarsch initiale sont ici totalement dégraissées, introduisant un mouvement à l'articulation leste et ferme de ton. Si l'onctuosité n'est pas au rendez-vous des cordes, c'est une discrète tendresse qui parcourt d'un bout à l'autre leurs interventions. Le geste de cette interprétation est tragique et sensible, comme la jeunesse sait l'être.

Décidément, le musicien vénézuélien, après une livraison dynamitée des Cinquième et Septième de Beethoven, il y a quelques mois, possède largement sa signature, flamboyante et profonde. Certes, l'approche est contrastée, ce qui pourrait laisser entendre qu'elle soit spectaculaire ; elle l'est, mais intimement, comme peut l'être un épanchement qui ne se contrôle plus.

Après l'expressivité tranchée du premier mouvement, la hargne fougueuse du deuxième dépense sans compter une énergie terrible que vient juguler une mélancolie jamais pathétique. On est alors surpris de constater que, pour déborder généreusement, l'interprétation ne livrera pas ses secrets.

Loin de la seule performance, le Scherzo dérange par une vivacité presque sournoise dont les bondissements s'avèrent génialement biscornus. La souplesse du tactus parait se forcer au bonheur, dans une danse impulsive qui ne croit pas en elle-même. Surprise encore à l'encontre d'un Adagietto à l'inflexion plutôt discrète, se plaçant au delà d'une quelconque pulsation, toujours très subtilement nuancé, dont les accents renouent judicieusement avec l'âpreté des premiers cris de la symphonie.

Peu à peu, dans cette vision qui regarde loin, la lumière apparait, éphémère. C'est que les bois sereins du début du Rondeau amorcent délicatement l'ultime épisode que cette lueur traverse magnifiquement. Ainsi, à la tête des jeunes gens de l'Orquesta Juvenil Simón Bolívar dont il est le patron depuis 1999, Gustavo Dudamel conclut-il cette symphonie dans une rage joyeuse et contagieuse.

BB