Chroniques

par laurent bergnach

Guy Delahaye
Pina Bausch

Actes Sud (2007) 316 pages
ISBN 978-2-7427-6411-2

Le journaliste et essayiste Jean-Marc Adolphe nous le rappelle : en 1979, lors des premières représentations parisiennes des Sept péchés capitaux et de Barbe-Bleue, on chahutait plus pour quitter le Théâtre de la Ville qu'aujourd'hui pour y entrer, et la presse d'alors – l'associant au cirque ou à des fêtes scolaires – condamnait l'hérétique Pina Bausch.

Presque trente ans plus tard, le Wuppertaler Ballett, devenu Tanztheater Wuppertal, a imposé son refus de la facilité, sa recherche de la vérité par une certaine exigence car, comme le disait la chorégraphe en 1975, « pouvons-nous donc nous permettre de tuer notre temps précieux en se laissant aller aux manœuvres de diversion d'une opérette, comme si tous nos problèmes étaient résolus depuis longtemps ? »

Né en 1940, cette enfant de l'après-guerre, élève de Kurt Jooss (exilé en 1933) et contemporaine d'artistes tels Achternbusch, Herzog ou Fassbinder, ne peut que témoigner de la mauvaise conscience, du malaise et de l'interrogation d'être des héritiers involontaires du national-socialisme. Depuis, c'est un monde voué à la consommation et à la désinformation qu'il faut affronter, peut-être en vain. Pour Hervé Guibert, Pina Bausch célèbre le deuil de la danse dans la société (« comme pour le fauve en cage l'évocation de la jungle »).

« J'ai toujours tenté de ne pas limiter mon questionnement, mais d'aborder des questions qui conduisent à des mouvements. » Entre un entretien d'une vingtaine de pages avec la danseuse et un répertoire des œuvres créées depuis le premier solo officiel – sur le Quatuor à cordes n°4 de Bartók –, ce livre dévoile son sujet, soit les magnifiques photographies de Guy Delahaye, saisissant le plus souvent un corps unique concentré, dans le vif des représentations.

LB