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Chroniques
Hans Gál – Ernst Křenek
pièces avec alto
Actif comme chef, professeur et surtout altiste soliste ou au sein d’orchestres à Sydney et Londres, Roger Benedict écrit : « Hans Gál et Ernst Křenek sont nés au bon endroit mais au mauvais moment. Tous deux, de manière complètement différente, étaient profondément liés à la grande tradition musicale de leur ville d’origine. Tous deux furent contraints à l’exil alors qu’ils venaient d’atteindre leur maturité comme compositeurs […] ».
Aîné dans ce programme pour alto et piano, Hans Gál (1890-1987) commence ses études pianistiques avec Richard Robert – lequel enseignerait également à Clara Haskil, Rudolf Serkin et George Szell. En ce qui concerne la composition, son professeur est Eusebius Mandyczewski, connu pour ses messes orthodoxes, des arrangements d’œuvres folkloriques et des études sur d’illustres aînés (Beethoven, Brahms, Caldara, etc.). Nommé directeur du Conservatoire de Mayence en 1929, Gál perd malheureusement son poste quatre ans plus tard, à l’arrivée des Nazis. En 1938, tout à fait écarté de la vie musicale, il décide de s’installer en Écosse, pays où il peut enseigner et demeurer jusqu’à sa mort. Les trois pièces réunies ici, écrites dans la première décennie de l’exil, sont gravées pour la première fois.
En 1940, Peter Gál abandonne le violon pour l’alto. Son père lui compose un Impromptu, tendre déambulation nostalgique. Moins brève que cette pièce d’étude, la Sonate en la Op.101 (1942) en trois mouvements a un goût de romance qui, avec l’usage de cordes moins graves, verserait dans la mièvrerie. On y apprécie moins l’influence de Brahms, des échos de Massenet que la précision et la chaleur de l’alto. Enfin, la Suite en si bémol majeur Op.102a (1949) est une série de quatre pièces de caractère, à la manière des Märchenbilder Op.113 de Schumann, mais dans une aura lyrique et mahlérienne indéniable. Le deuxième mouvement convoque un esprit presque canaille (Weill, Poulenc), mais l’ensemble demeure salonard et sans beaucoup d’audace. De plus, la burla finale est avare de l’entrain attendu.
À l’inverse de celui de Gál, le professeur d’Ernst Křenek (1900-1991) est plus connu puisqu’il s’agit de Franz Schreker – le célèbre compositeur de Der ferne Klang (1912) [lire notre critique du CD] et d’Irrelohe (1924) [lire notre critique du CD]. Marié brièvement à Anna Mahler, fille de Gustav, il fréquente la Vienne artistique (Adorno, Berg, Kokoschka, Weber, etc.) où se développe sa production (romantisme tardif, sérialisme, etc.). Son exil nord-américain le confronte à la situation douloureuse d’un créateur trop moderne pour son pays d’adoption, mais pas assez pour intéresser une Europe d’après-guerre qui fait table rase du passé.
Approchant le quart d’heure, sa Sonate pour alto solo Op.92 n°3 (1942) reflète en partie ce moral en berne. Les mouvements extérieurs abritent un souvenir contrarié de Bach, façon Hindemith, tandis que l’Adagio préfigure l’Élégie de Stravinsky. Écrite en quatre jours de décembre, la Sonate pour alto et piano Op.117 (1948) fait réapparaître le médium rond et boisé joué par Timothy Young – un instrument que fit sonner Křenek tout au long de sa vie [lire notre critique du CD] – ; elle offre trois mouvements largement dodécaphoniques, livrant tour à tour giration lyrique, bondissements virtuoses et singularité d’une marche bancale. Des deux Viennois associés par Melba, le cadet s’avère donc notre préféré.
LB