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Chroniques
Hans Huber
œuvres pour orchestre
Compositeur plutôt prolifique – il a laissé six opéras, autant de cantates, trois messes, de nombreuses pages chambristes (trios avec pianos, quatuors avec piano, quintettes avec piano, un quintette pour piano et cuivres et un sextuor pour la même formation, neuf sonates pour violon et piano, trois sonates pour violoncelle et piano, ainsi que plusieurs opus pour deux pianos, voire piano à quatre mains, etc.), mais encore quatre concerti pour violon et orchestre et quatre autres pour piano et orchestre, ainsi que huit symphonies –, Hans Huber fait aujourd’hui partie des oubliés de l’histoire de la musique. Né au début de l’été 1852 à Eppenberg, dans le canton de Soleure, il s’est formé via le piano et le chant choral, avant d’entrer, dans sa dix-huitième année, à la Hochschule für Musik de Leipzig, comme nombre de ses contemporains. Après avoir enseigné quelque temps en Alsace, il s’installe à Bâle où il enseigne à l’Allgemeine Musikschule dont, en 1896, il devient le directeur – à ce poste, il s’ingénie à créer le conservatoire de la cité, une Hochschule für Musik bâloise qui voit le jour grâce à lui en 1905 et qui absorbe dès lors l’institution précédemment nommée. Jusqu’en 1918, Huber est à sa tête, c’est dire l’investissement qu’il place dans la pédagogie de la musique. De même travailla-t-il parallèlement la Schweizerischer Tonkünstlerverein, avec son aîné le violoniste, chef d’orchestre et compositeur Friedrich Hegar (1841-1927).
C’est par une musique de scène qu’Hans Huber se fit d’abord connaître. Nous sommes en 1878 et le dramaturge Rudolf Kelterborn lui commande une partition pour accompagner la création de sa nouvelle comédie, Die Lotosblumen. Une suite en plusieurs numéro voit le jour en février 1879, à Bâle, dont ne serait finalement préservée que l’ouverture, conservée par l’éditeur sous le titre Eine Lustspielouvertüre en mi majeur Op.50. C’est elle qui inaugure le CD gravé par le Sinfonie Orchester Biel Solothurn en août 2022, à Bern, sous la direction du chef français d’origine grecque Yannis Pouspourikas (né à Marseille en 1971). Ce bref Presto enjoué s’inscrit clairement dans la tradition germanique de son temps, sans audace particulière mais un indéniable métier.
Deux ans plus tôt, le compositeur livrait un cahier d’Humoresques pour piano à quatre mains, son opus 24, dont il choisit, en 1879, d’orchestrer la troisième, Römischer Carneval en sol majeur, inspirée d’un poème de l’Allemand Victor von Scheffel.La création eut lieu au printemps 1881. Chef et orchestre soignent, dans cette première au disque, une sonorité oscillant entre un faste fin-de-siècle et un charme délicatement valsé. Un thème domine, savoureux et obsédant, à peine dévoyé par une facture un rien attendue, mais toutefois délicieusement colorée par l’orchestration.
Après la Serenade Op.19 pour piano seul de 1876, puis sa Serenade Op.55 à quatre mains conçue trois ans plus tard, Huber s’attelle à une première Serenade en mi majeur Op.86 pour l’orchestre, qu’il désigne bientôt Sommernächte, donc Nuits d’été. Elle est créée à Bâle à la toute fin de l’hiver 1884. Nous en goûtons les quatre mouvements dans une approche sensible qui en révèle le romantisme tardif – brahmsien, peut-être. À la fraîcheur séduisante de l’Allegro molto moderato succèdent un Scherzo de ballet russe, puis un tendre Notturno au climat chaleureux. Un frémissant Allegro vivace, qui semble s’échapper d’une scène d’opéra, vient conclure l’exécution. Une dizaine d’années passe et le musicien s’engage dans l’écriture de la Serenade en sol majeur n°2 (1895), intitulée Winternächte, comme par antithèse de la première (Nuits d’hiver). Cette fois, les titres des cinq mouvements suggèrent un quasi-programme. La Pastorale d’ouverture renoue avec les délices un peu sucrées du carnaval romain de 1879, quand l’Adagio qui s’ensuit, Träumerei, s’apparente à quelque inquiète méditation. Après la fraiche virevolte du Spinnlied, savamment nuancé, Legende déploie un andante généreux dont les cuivres patinent la douceur. Encore fallait-il enterrer le Bonhomme Hiver : c’est chose faite avec Carneval, un Allegro qui, une nouvelle fois, invite à valser, serait-ce qu’une neige fondante ! Avec cette parution, le label Schweizer Fonogreamm signe un petit bijou fort bien servi par Yannis Pouspourikas au pupitre du Sinfonie Orchester Biel Solothurn.
BB