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Chroniques
Hans Pfitzner
Palestrina
« Mélange des plus étranges de vraie grandeur et d’intolérance » – dixit Bruno Walter –, Hans Pfitzner est mort en 1949, après avoir soutenu les pires errements politiques. Né à Moscou en 1869, installé à Frankfurt trois ans plus tard, il reçoit très tôt des leçons de son père, violoniste professionnel, et commence à écrire à l’approche de l’adolescence. Dans sa ville adoptive, Pfitzner étudie d’abord avec Ivan Knorr (composition) et James Kwast (piano), puis à Coblence. En 1894, il démarre une carrière de chef d’orchestre au théâtre de Mayence, là où sera représenté son premier opéra, Der arme Heinrich (1895). D’autres suivront : Die Rose vom Liebesgarten (1901), Das Christ-Elflein (1906), Das Herz (1931) et, bien sûr, le plus célèbre de tous, Palestrina, créé à Munich, le 12 juin 1917.
En s’intéressant à cette figure emblématique de la polyphonie italienne (v.1525-1594), dont le sort est lié ici aux décisions d’un ridicule Concile de Trente s’éternisant, Pfitzner met en scène un créateur tiraillé entre sa tolérance pour les innovations et le devoir de s’inscrire dans une lignée d’illustres prédécesseurs. Cet opéra en trois actes, sur un livret de sa main, révèle à bien des égards les préoccupations du musicien, inscrit dans la tradition wagnérienne et rétif aux révolutions incarnées par Schönberg et Busoni, Krenek et Weill – un flambeau d’ailleurs repris par son élève Carl Orff.
Réponse au « danger futuriste », Palestrina offre un intérêt limité. Pastichant le style Renaissance avec quelques échos straussiens et regeriens sans éclats, la partition alterne passages orchestraux d’une grandiloquence qui tombe à plat, avec d’autres qui n’en finissent pas de bavarder, à l’instar des personnages. À la tête du Bayerisches Staatsorchester, Simone Young la défend honorablement, tandis que Christian Stückl, dans cette production filmée pendant le Münchner Opernfestspiele 2009, fait preuve d’originalité en opposant au monde noir et blanc des religieux le fluo du monde artistique (vert des anges à tête de nonnes, rose des choristes s’inquiétant pour le Maître).
Le plaisir que l’on prend à cette production tient donc à sa distribution vocale. Christiane Karg (Ighino) et Claudia Mahnke (Silla) incarnent le fils et l’élève de Palestrina, l’un aussi « triste et abattu » que l’autre est « turbulent mais heureux ». Le soprano conduit sa voix avec intelligence, tandis que le mezzo se montre stable et vaillant. Ces adolescents pleins d’espoir et de désarroi mettent en relief le veuf d’âge mûr qui les héberge, lequel se sent tellement perdu qu’il doute avoir pu un jour créer, aimer et être heureux. Dans le rôle-titre, Christopher Ventris est particulièrement émouvant, clair et délicat.
Les Cardinaux-Légats du Pape offrent le second tandem de l’ouvrage, bien défendu par John Daszak (Novagerio), rondement sonore, et par Michael Volle (Morone), souplement nuancé. En commanditaire de la messe qui doit faire renoncer Pius IV au grégorien, Falk Struckmann (Borromeo) se montre parfois poussif et encombré d’un vibrato copieux, mais sa prestation reste honnête. Parmi les nombreux seconds rôles, citons enfin Stephen Humes (Cardinal de Lorraine), Christian Rieger (Archevêque de Prague) et Wolfgang Koch (Comte Luna), qui ne manquent pas de muscle.
LB