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Chroniques
Hans Zender
œuvres avec orchestre
Né à Wiesbaden en 1936, Hans Zender étudie à Francfort et Fribourg-en-Brisgau, se distinguant comme pianiste et chef d’orchestre en devenir. Cette dernière activité l’amène à travailler à Bonn, Kiel, Sarrebruck, Hambourg, etc. Il collabore également avec des formations vouées aux sons d’aujourd’hui (Ensemble Modern, Klangforum Wien, Ensemble Intercontemporain). La Musikhochschule de Francfort l’accueille comme enseignant, de 1988 à 2000. Zender s’est aussi imposé comme compositeur, d’abord influencé par Zimmermann et Boulez [lire notre chronique du 23 novembre 2017]. Refusant le dogme sériel, il préfère l’influence de l’Extrême-Orient (arts, philosophie, spiritualité), sans négliger la pensée occidentale (Héraclite, Eckhart, etc.). De son propre aveu, composer est « la forme la plus concentrée d’introversion ».
Le présent volume donne à écouter trois œuvres avec orchestre, conçues à une décennie au moins l’une de l’autre. La plus ancienne est Dialog mit Haydn (Donaueschinger Musiktage, 1982), écrite à l’occasion des deux cent cinquante ans du Viennois, pour deux pianos et trois groupes orchestraux. Ces derniers, chacun accordé onze centièmes plus bas que le précédent, se partagent un élément rythmique emprunté à la Symphonie en sol majeur Hob. I:94 « La surprise » (1792), l’une des douze londoniennes. À l’époque, le coup de timbale inattendu (dans le deuxième mouvement) fut comparé à l’assoupissement d’une bergère, par une cascade lointaine, qu’un coup de fusil d’un chasseur aurait réveillée en sursaut ! On aime beaucoup cette pièce limpide et aérée, riche en timbres et en climats, dont les ilots joyeux affleurent une onde quelque peu nerveuse. Hermann Kretzschmar [lire notre chronique du 18 novembre 2016] et Ueli Wiget [lire notre chronique du 27 septembre 2003] sont aux claviers, et le compositeur à la direction d’un Bundesjugendorchester étincelant.
Porté dans sa jeunesse vers les poètes européens (Rondels nach Mallarmé, Lieder nach Eichendorff), Hans Zender puise chez le maître zen Ikkyū Sōjun (1394-1481) l’ossature de Nanzen no kyō – Canto VII (Cologne, 1993) – avec, pour vers ultime, une évocation bien connue du chat menacé par la main du Chinois Nansen. C’est une pièce très complexe en six portions, fondée sur la division du chœur et de l’orchestre en quatre groupes. Dans ce croisement de deux cycles, Jörn Peter Hiekel découvre « des moments qui vont de l’avant, au sens européen traditionnel, et des instants où le temps semble obéir à un mouvement de giration : la linéarité et la récursivité semblent s’interpénétrer » (in Unité – Pluralité, Hermann Éditeurs, 2015). Dans cet opus aux accents de rituel, la voix est particulièrement mise en avant, tantôt glorifiant, tantôt susurrant. Zender y conduit les WDR Sinfonieorchester et Rundfunkchor Köln.
Le musicien revient aux mots d’Ikkyū pour la dernière œuvre au programme, Issei no kyō (Cologne, 2010). L’idée de l’inconstance de l’ego que recèle le quatrain choisi, enseigné par Bouddha lui-même, conduit à utiliser une grande variété de langues (allemande, chinoise, française, anglaise) et d’expressions (espiègle, mystérieuse, théâtrale, rituelle). Chacun des quatre mouvements est divisé en dix sections, auquel un piccolo aux accents de shakuhachi donne du relief. D’un soprano chaleureux, agile et charnel, la formidable Claron McFadden [lire nos chroniques du 28 novembre 2008, du 7 avril 2009 et du 21 juillet 2013] cohabite avec l’orchestre précité, que la baguette de Johannes Kalitzke rend alerte à souhait [lire notre chronique du 8 septembre 2018].
LB