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Chroniques
Hector Berlioz
Benvenuto Cellini
« J'aime les Anciens indépendamment de leurs bonnes qualités et malgré leurs défauts, parce qu'ils ne ressemblent pas aux Modernes, parce qu'ils sont nouveaux », expliqua un jour Hector Berlioz. D'Harold en Italie (1834) aux Troyens (1856-58), nombre de ses ouvrages témoignent d'un attachement qui se tourne moins vers la terre où il passa quinze mois comme lauréat du Prix de Rome que vers une civilisation qui a nourri l'Europe, de l'Antiquité à la Renaissance. C'est le cas en 1833, alors que le compositeur pense s'atteler à « un opéra italien fort gai » inspiré de Shakespeare et qu'il se laisse captiver par une nouvelle traduction de l'autobiographie de Benvenuto Cellini, le célèbre sculpteur et orfèvre florentin (1500-1571).
Aidés par Alfred de Vigny, le poète Auguste Barbier et l'auteur dramatique Léon de Wailly s'attaquent à un livret qui fourmille d'épisodes et de personnages inventés ou transposés. Puisant également dans un conte d'Hoffmann, le propos dominant est bouffe, mais la farce vient comme une critique des conventions et des puissants qui gardent l'artiste en laisse. En juillet 1834, l'Opéra Comique refuse ce livret que l'Opéra accepte l'année suivante. Aux copistes de l'institution, Berlioz remet sa partition en février 1838, et les répétitions commencent en mars, bousculées par les interventions de la censure et les caprices d'artistes en résidence. Pressé de voir son travail confronté au jugement du public –car vivant lui-même de la critique musicale ? –, Berlioz voit la première prévue en juin reportée au 10 septembre. Seulement trois représentations complètes lui succèderont (12 et 14 septembre, 11 janvier) avant qu'une lettre du 17 mars 1839 arrive aux mains du directeur de Garnier : « J'ai l'honneur de vous annoncer que je retire mon opéra de Benvenuto [sic]. Je suis intimement convaincu que vous l'apprendrez avec plaisir ».
La renaissance à lieu grâce à Liszt, maître de chapelle à Weimar depuis 1848 et défenseur bien connu d'ouvrages contemporains. Après de premières représentations chantées en allemand (printemps 1852), en accord avec le chef Hans von Bülow et avec le compositeur, il décide de refontes et de raccourcis sévères pour les suivantes, prévues en novembre. Devant sa création plus populaire mais moins satirique, Berlioz constate : « Benvenuto est un gentil garçon tel qu'il est maintenant ». Jusqu'aux ultimes représentations données dans la ville de Goethe en 1856, des retouches ont lieu, les dernières d'un ouvrage qui ne serait plus représenté du vivant de son auteur (mort en 1869). Des versions dites Paris I, Paris II et celle de Weimar – sans parler des tentatives ultérieures de revenir à l'opéra-comique d'origine –, c'est la troisième que nous retrouvons sur cet enregistrement, réalisé en public le 19 septembre 2003.
Dès l'ouverture, Roger Norrington en propose une lecture contrastée, précise et lumineuse, en s'appuyant sur un Radio Sinfonieorchester Stuttgart d'une belle qualité de timbres. Avec une diction française globalement satisfaisante, les chanteurs, pour la plupart, ne déçoivent pas. Avec un large espace vocal, Laura Claycomb livre une Teresa au chant souple, plein d'élégance, dont le phrasé s'avère presque baroque parfois (« Ah, que vais-je faire ? », Acte II, scène 12). À ses côtes, le ténor Bruce Ford est un Cellini qui semble dans un premier temps bien vieillissant ; on lui préfère son rival Fieramosca, soit Christopher Maltman, baryton sain au timbre rond. Les basses en présence, Reinhard Mayr (Bernardino) et Ralf Lukas (Le pape) sont sonores et ne manquent pas d'impact. Signalons également le mezzo Monica Groop, Ascanio à la voix puissante et idéalement juvénile. Le MDR Chor Leipzig s'avère des plus vaillants.
LB