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Chroniques
Henry Purcell
Dido and Æneas | Didon et Énée
De l'opéra le plus célèbre de Purcell (1659-1695), on ne connaît ni la date de composition, ni les circonstances précises de celle-ci – mais probablement pour des représentations à la cour. En revanche, on possède les traces de plusieurs productions entre 1680 et 1780 qui témoignent de la popularité de l'ouvrage et de la facilité avec laquelle on arrangeait cette œuvre quasi minimaliste (découpage pour des divertissements musicaux, version de concert, aménagement moins furieux pour des pensionnats de jeunes filles...).
L'histoire est celle du prince Æneas, en escale entre Troie qu'il vient de fuir et l'Italie qui l'attend. Dido, Reine de Carthage, l'accueille et un amour va naître entre eux, d'abord source d'inquiétude, puis d'extase, mais surtout de jalousie et de tragédie. Une Magicienne et ses sorcières complotent pour briser la Reine et ce bonheur naissant. Sous les traits de Jupiter, elles envoient un de leur esprit à Æneas, lui intimant l'ordre de reprendre la mer. Les deux amants se déchirent lors de leurs adieux : Dido lui reproche sa soumission, Æneas se décide à rester, elle le chasse avec mépris... Finalement, la reine meurt de chagrin alors que le héros retrouve son équipage.
Dénué d'intrigues parallèles, l'opéra avance à vive allure, et c'est ainsi que le mène Emmanuelle Haïm, à la tête du Concert d'Astrée. Preste et nuancée, son Ouverture donne le ton d'une interprétation tonique et tendue, jusqu'à ce final lent au ralenti imperceptible, semblable à des sables mouvants empoisonnés, qui suit la mort pleine de dignité de l'héroïne.
Globalement, un effort commun à tous les chanteurs de rendre le texte compréhensible par une articulation soignée est appréciable. Si les ornementations de Susan Graham (Dido) sont déconcertantes, si la présence d'une voix aussi large est inhabituelle dans le répertoire baroque, on finit par apprécier l'émouvante prestation du mezzo-soprano. Elle trouve en Felicity Palmer (la Magicienne) une ennemie à sa mesure, tant la voix du contralto est puissante et son jeu effrayant.Camilla Tilling (Belinda), David Daniels (l'Esprit) et Paul Agnew (le Marin) sont efficaces. Dommage qu’Ian Bostridge, interprétant Æneas avec une voix déjà usée, vienne gâcher la qualité de cette distribution. Le chœur European Voices, sous la direction de Simon Halsey, est excellent (on en jugera par la scène d'écho, à la fin du premier acte).
LB