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Chroniques
Henry Purcell
Dido and Æneas | Didon et Énée
Chaque rencontre avec Dido and Æneas est l’occasion d’enrichir notre connaissance d’une des premières œuvres lyriques anglaises entièrement chantée. Il fallut d’abord saisir qu’il s’agissait d’un ouvrage fragmentaire – en la comparant au livret de Nahum Tate inspiré du Livre IV de L'Énéide, on voit que manquent le prologue et de nombreuses autres parties [lire notre chronique du 12 février 2005] –, comme il faut aujourd’hui admettre que la thèse de sa création par les pensionnaires d'une école de jeunes filles de Chelsea, en avril 1689, ne se défend plus guère. Certes, il s’agit là de la première trace éditoriale dont nous disposions, mais des recherches plus récentes nous orientent plutôt vers la cour de Charles II, peut-être dès 1684.
Pour Vincent Dumestre, face à ces mystères, le génie du Londonien (1659-1695) demeure la seule certitude puisque, outre un talent de novateur et de mélodiste qui en font l’égal de Bach et de Monteverdi, « Purcell synthétise son époque en ce qu’il ravive la mélancolie des Dowland et des Ferrabosco, la vitalité et l’humour des masques élisabéthains ; parce qu’il emprunte à Lully et cite la musique du Grand Siècle français ; parce qu’il perpétue la tradition de l’écriture chorale des Byrd et des Gibbons ». À sa lecture de cette « tragédie lyrique en miniature, idéale de concision et d’équilibre », le directeur musical du Poème Harmonique apporte une douceur, une tendresse peu habituelles.
Déjà partenaires de Dumestre sur Le carnaval baroque [lire notre chronique du 22 décembre 2010], Cécile Roussat et Julien Lubek égayent les trois actes filmés à Rouen, les 11 et 13 mai 2014. Pariant sur un univers marin onirique et ludique, peuplé de divinités et de monstres, le duo offre une plage aux humains vêtus à l’orientale, inconscients du plan qu’échafaudent, au fond de sa grotte humide, une Magicienne à tentacules et des Sorcières à queue de poisson. Refusant la pure reconstitution historique, la transposition actualisante et l’approche psychologique des personnages, ils optent pour « une mise en scène vivante, humble et universelle à la fois ». Dommage que dans sa captation audiovisuelle, la magie de l’ensemble soit souvent altérée par trop de proximité.
Si l’on est sensible au timbre crispant de Vivica Genaux (Dido), mezzo-soprano à la technique et à l’expressivité indéniables par ailleurs, on appréciera sans réserve le couple formé avec Henk Neven (Æneas), baryton au souffle long et d’une ampleur qu’il sait nuancer. Ana Quintans (Belinda) est agile, précise et lumineuse – à l’inverse de son récent Cupidon ramiste [lire notre critique du DVD], Marc Mauillon (Magicienne) se révèle toujours très à l’aise dans le baroque anglais [lire notre critique du DVD Venus and Adonis], ainsi que Caroline Meng et Lucile Richardot (Sorcières), Nicholas Tamagna (Esprit) et Jenny Daviet (Dame d’honneur), tous crédibles.
Enfin, évoquons la présence de danses un peu mièvres, confiées à Sarasa Matsumoto et Sayaka Kasuya, et d’acrobates remarquables, censés apporter un écho scénique à l’énergie musicale par leurs figure au sol, à la corde ou au trapèze – Ahmed Saïd, Edwin Condette, Tarzana Fourès, Anne-Claire Gonnard, Élodie Chan et Antoine Helou.
LB