Chroniques

par laurent bergnach

Hermann Suter
Quatuors Op.1 n°1 – Op.10 n°2 – Op.20 n°3

1 CD Musiques Suisses (2013)
MGB CD 6279
Hermann Suter | quatuors à cordes Op.1 n°1 – Op.10 n°2 – Op.20 n°3

Sans doute moins actif comme compositeur que comme directeur (Allgemeine Musikgesellschaft, Basler Liedertafel, etc.) et pédagogue (Schola Cantorum Basiliensis), Hermann Suter (1870-1926) est né à Kaiserstuhl, l’une des villes les plus au nord de la Suisse, sise dans le canton d’Aargau. Orienté vers le piano par une famille d’enseignants mélomanes, il rencontre nombre de pédagogues aux conservatoires de Bâle (Hans Huber, Alfred Glaus), Stuttgart (Immanuel Faißt, Dionys Pruckner, Karl Doppler, Wilhelm Speidel) et Leipzig (Salomon Jadassohn et Carl Reinecke – lequel forma, en plus de trente ans, des créateurs tels Albéniz, Grieg et Janáček).

Marqué par l’écoute de Brahms, Mahler et Strauss, Suter aime écrire pour le chœur, accompagné ou non – goût qu’il partage avec son cadet Othmar Schoeck, lui aussi chef de chœur [lire notre critique du CD]. Mais outre son célèbre oratorio Le Laudi di San Francesco d'Assisi Op.25 (créé en 1924, pour le centenaire de la Basler Gesangverein), une symphonie (1914) et un concerto pour violon (1921), ses compositions sont volontiers chambristes, incluant mélodies, sextuor (1920) et trois quatuors, ici réunis.

Dédié à son mentor et ami Hans Huber, le Quatuor en ré majeur Op.1 n°1 (1901) s’inscrit comme un hommage à la tradition. Le premier des quatre mouvements semble puiser sa fougue enveloppante et guindée dans le classicisme français, tout en côtoyant Strauss et Wagner – impression que confirme l’atmosphère du mouvement suivant, bref et « quelque peu morose ». Le Larghetto s’affirme ouvert et lumineux, tandis que les dernières minutes de l’œuvre offre un romantisme agité mais sans noirceur, que Suter souhaitait jouées « avec un humour sauvage ».

Une décennie plus tard naît le Quatuor en ut # mineur Op.10 n°2 (1910) où s’affiche « la confiance que Suter accordait au pouvoir omniprésent de la polyphonie comme un moyen idéal pour transmettre tant un contenu émotionnel et formel qu’une discipline intellectuelle » – écrit Georg-Albrecht Eckle dans la notice. Si un œil est encore jeté sur Beethoven et Reger, c’est vers les Viennois que s’oriente cet opus tragique et intérieur, plus osé, plus dru que son tout premier. Cependant, presque néobaroque, le second mouvement s’allège pour devenir quasi badin, de même que ses rares tensions éclosent « con grazia ».

Surnommé Chant du merle (Amselrufe), le Quatuor en sol Op.20 n°3 (1918) renoue avec le classicisme. La danse y apparait régulièrement, surtout la valse annonçant un mouvement médian qui virevolte telle une ronde (Reigen, précise le titre). Rien n’est jamais sombre ici car le Comodo-Allegro, certes lyrique et tourmenté, offre quelques bouffées joyeuses, de même que l’Adagio-Presto arbore près d’un quart d’heure de douceur non dénuée de caractère. Ici comme tout au long de l’enregistrement, une prise de son soignée donne une grande profondeur au jeu du Quatuor Beethoven, formation native de Bonn (2006), puis installée à Bâle.

LB