Chroniques

par bertrand bolognesi

Hugo Wolf
Chroniques musicales 1884-1887

Contrechamps (2005) 288 pages
ISBN 2-940068-23-2
Hugo Wolf | Chroniques musicales 1884-1887

À la fin des années quatre-vingt du XIXe siècle, Hugo Wolf, compositeur de vingt-quatre ans, est engagé au Wiener Salonblatt où il assumera la chronique musicale durant quelques années. Si l'histoire de la musique est passionnante, celle de la critique n'est pas mal non plus. Car ici, plus que d'un homme de métier, c'est d'un artiste qu'il s'agit, et s'il s'exerce à parler de ses contemporains, c'est bien souvent au regard de ses propres préoccupations esthétiques. Dans ce domaine, l'objectivité est une illusion ; de même la vérité dont se réclament de nombreuses pages polémiques de Wolf est-elle une obsession personnelle plus qu'une réalité.

On ne s'étonnera pas qu'il défende ce qu'il estime comme la musique la plus novatrice de son temps, à savoir qu'il s'engage fermement pour le second camp dans la lutte entre les partisans de la musique pure et ceux de la musique à programme. Mais attention, nous n'avons pas affaire à un gentil jeune homme poli et mesuré : au contraire – et quelle saveur ! –, c'est avec les armes aiguisées d'un style féroce qu'il s'attaque aux plus respectueux piliers d'un classicisme qu'il estime révolu, Brahms en tête (qu'il va jusqu'à comparer à Macbeth dissimulant ses crimes pour mieux régner). On peut imaginer l'accueil que certaines de ses victimes firent à ses propres compositions, quelque temps après ces anicroches…

Fidèles à elles-mêmes, les éditions Contrechamps publient un bon tiers de ces articles, dans une traduction brillante de Christian Guillermet, précédée d'une introduction tant documentée que pertinente et éclairante de Georges Starobinski. Au delà des polémiques et des éclats de rire que nous valent certaines saillies, nous y rencontrons des avis fort intéressants sur le jeu pianistique de Rubinstein comparé à celui de Liszt, par exemple, sur les qualités requises pour servir au mieux les Lieder de Loewe, et bien d'autres choses. En tant que chroniqueur, il arrive parfois qu'on nous en veuille de tel mot trop peu complaisant : voilà un livre qui relativisera la mauvaise humeur de certains !

BB