Chroniques

par laurent bergnach

Igor Stravinsky
Œdipus rex | Œdipe roi

1 DVD Philips (2006)
074 3077
Igor Stravinsky | Œdipus rex

En 1917, Stravinsky fait la connaissance de Cocteau et Picasso en Italie – ce dernier rejoint à Rome Diaghilev en pleine répétition de Parade, spectacle pour lequel va être peint un rideau de scène de 170 m2. Pulcinella (1920) nait de la collaboration avec le peintre – toujours pour les Ballets Russes – tandis que le poète s'inspire de Sophocle pour le livret en latin d'Œdipus Rex. Stravinsky écrit cet opéra-oratorio entre janvier 1926 et mai 1927, avec la volonté d'user d'un mythe connu de tous, sur un texte neutre et laconique qui laisserait sa place au cérémonial musical. Il écrira plus tard :

« Quelle joie de composer de la musique sur un langage conventionnel, presque rituel, d'une haute tenue s'imposant d'elle-même ! On ne se sent plus dominé par le verbe, par le mot dans son sens propre. Coulés dans un moule immuable qui assure suffisamment leur valeur expressive, ils ne réclament plus aucun commentaire. Ainsi le texte devient… une matière uniquement phonétique. »

Admirant son Antigone écrite en 1922, il oriente Cocteau vers la production d'une « nature morte » plutôt qu'un drame, conçu de la façon la plus conventionnelle possible (arias et récitatifs). L'œuvre est créée en concert le 30 mai 1927, au Théâtre Sarah Bernhardt à Paris.

Pour cette production du Festival de Saito Kinen au Japon (1992), la mise en scène de Julie Taymor, dans une ambiance de fin du monde, nous laisse peu de répit. Durant deux actes, un narrateur implacable invite à suivre un homme passant de l'arrogance à l'auto-apitoiement puis au désespoir – « la vérité lui frappe sur la tête. Il tombe. Il tombe de haut ». Le Chœur Shinyu-Kai et les Chanteurs de l'Opéra de Tokyo, unis comme un seul homme, investis d'une chorégraphie, occupent un espace scénique aux multiples niveaux de jeu avec des allures de mort-vivants.

Les principaux solistes sont des plus réjouissants : Philip Langridge (Œdipus vaillant et nuancé), Jessye Norman (Jocasta aux graves musclés et aux aigus puissants) ainsi que Bryn Terfel (Creon d'une souplesse et d'un legato magnifiques). Tonique, Seiji Osawa est au diapason de cette heure expressive, captée par une caméra très mobile.

LB