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Chroniques
Isaac Albéniz
Merlin
Merlin constitue le premier volet d'une trilogie conçue par le librettiste Francis Burdett Money-Coutts et par le compositeur Isaac Albéniz (1860-1909), pour donner à l'opéra britannique un joyau équivalent à celui que possédait l'Allemagne avec L'Anneau du Nibelung. Hélas, le destin de ce cycle n'approche en rien l'œuvre titanesque de Wagner : il ne reste aucun matériau de Guenièvre, la dernière partie, et la partition de Lancelot pose des problèmes de restauration du fait de ses incomplétudes.
De l'histoire arthurienne inspirée par l'œuvre de Sir Thomas Malory – Le morte d'Arthur –, il demeure juste Merlin, que son auteur n'eut pas la joie de voir jouer puisqu'il fut créé récemment, au Théâtre Real de Madrid, le 28 mai 2003 ! Même si l'intention était louable, on ne tiendra pas compte de la version de 1950, avec coupures et en langue espagnole, donnée par le club de football junior de Barcelone… Pour plus de détails sur l'histoire de cette partition, on se reportera aux notes de José de Eusebio, dans le livret qui accompagne le disque – le chef a consacré presque deux ans d'activité à la réapparition de cet opéra en trois actes ; il connaît son sujet et sa direction, outre que l'Orchestre du Real est très bon (solos magnifiques), ne manque pas de profondeur.
Côté distribution, les hommes s'en sortent bien : David Wilson-Johnson est un Merlin brillant, aux aigus très cuivrés ; quant à lui, Stuart Skelton incarne Arthur, « roi par un signe sacré », et ce sont les graves assurés qui nous plaisent chez ce ténor vaillant. Dans les seconds rôles, signalons Stephen Morscheck, archevêque charismatique et d'une grande aisance. En revanche, quelle déception côté féminin ! Certes Carol Vaness (Nivian) possède une voix énorme, mais le vibrato soumis à rude épreuve et la diction anglaise laissent à désirer ; quant à Eva Marton (Morgan le Fay, personnage presque plus intéressant que l'Enchanteur), il y a la puissance vocale mais aussi une fatigue proportionnelle… Le chœur, souvent mixte même s'il s'agit d'assemblée de chevaliers, mérite notre attention.
La mise en scène de John Dew, plutôt sobre, repose principalement sur la beauté des décors. Dommage que ces derniers soient animés par les chorégraphies assez quelconques de Mei Hong Li, et par des danseurs aux décalages fréquents, aux gestes imprécis, voire mal réglés. La danse, signe de sensualité dans un univers guerrier, d'envoûtement dans un monde occulte, avait ici une place qui méritait plus de soin.
SM