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Chroniques
Jacob Obrecht
œuvres sacrées
C'est avec la même joie que l'on retrouve les artistes du Chœur A:N:S, cette formation hongroise qui, sous la houlette de János Bali, poursuit une exploration passionnante autant que talentueuse de l'œuvre du Flamand Jacob Obrecht, compositeur emporté par la peste de Ferrare, il y a juste cinq siècles.
Après les Messes de Sancto Donatiano [lire notre critique du CD], Malheur me bat, O lumen ecclesiae, Pfauenschwanz, Sicut spina rosam et Si Dedero, le présent disque se concentre sur deux offices à trois voix et un office à quatre. Composée à partir d'un rondeau d'Ockeghem, la messe Fors seulement nous est connue grâce à une copie du manuscrit d'Obrecht conservée par Heinrich Glareamus, musicologue fameux en son temps (1488-1563). Dans l'interprétation qui ouvre ces soixante-dix minutes, on goûtera particulièrement le sopraniste Pal Benko dont la couleur sait autant illuminer l'aigu qu'elle équilibre le bas-médium. Si l'on saluera la belle fluidité du Christe, on regrettera un ténor pas toujours très exact sur les ornements du Gloria. En revanche, la réalisation délicate d'intervalles décisifs pour l'harmonie du Qui tollis est ensuite tout à fait satisfaisante. Quant au Credo, c'est peu dire qu'il monte vers le Ciel avec un convainquant enthousiasme ! À la fervente énergie de l'Et incarnatus est succède un élégant Sanctus et, après quelques soucis de justesse dans le Pleni sunt, un Osanna honoré d'une remarquable plénitude.
C'est à partir de cinquante mesures d'une chanson de Colinet de Lannoy qu'Obrecht imagina sa Missa Celasans plus, la plus longue de ce programme, et retrouvée il y a une trentaine d'années seulement. L'excellence de sa facture tend à démontrer qu'elle fut écrite par un maître en pleine possession de son art, peut-être à la fin de sa vie. Son élaboration est tout simplement remarquable, partant qu'elle entrelace avec un naturel confondant quatre voix, ce qui multiplie les difficultés. Le recueillement très posé du Gloria impose une grande sérénité à l'ensemble, rehaussé par un Qui tollis d'une fraîcheur inouïe, un Credo d'une méditative volubilité, un Crucifixus quasiment festif.
Sertie dans ces deux pages, la Messe à trois voix d'Obrecht à partir du rondeau De tous bien playne de Van Ghizeghem semblera idéale pour lier deux états différents de sa maîtrise. Attention toutefois à quelques tutti fragiles de la part des interprètes, légères ramures qui ne portent guère ombrage au plaisir qu'ils dispensent sur ce CD !
AB