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Chroniques
Jacques Aubert
Sonates pour violon et basse continue
Connaissez-vous Jacques Aubert ?...
Nous n’aurons pas l’outrecuidance de prétendre le plus fréquenter que vous, non, et c’est bien grâce à l’écoute de la présente galette que nous avons pris connaissance de sa musique. Né à Paris en 1689 où il mourut en 1753 (plus précisément à Belleville), Aubert fut un violoniste et un compositeur fécond, estimé en son temps, élève de Jean-Baptiste Senallié, également maître de l’instrument et de l’écriture qui fut éduqué par des musiciens italiens. Bientôt, l’élève deviendrait collègue du professeur au sein des Vingt-quatre violons du Roi, avant de s’exprimer au Concert Spirituel puis à l’Opéra où il occupa le poste de premier violon. Vous m’en direz tant… n’était que les quelques six Sonates à violon seul et basse continue puisées dans plusieurs des Livres de cet opus 3 (publié en 1737), ici réunies, génèrent un ravissement certain !
L’aventure de ce disque, dont une photographie signée Emmanuelle Huteau orne avec avantage la couverture d’un énigmatique et généreux artichaut, commence avec l’acquisition par le violoniste Patrizio Germone d’un instrument Jacques Boquay (1680-1736), « un des plus fameux luthiers de l’école dite Vieux Paris [qui] avait probablement étudié avec Amati et Guarneri, ou quelqu’autre Italien venu s’installer à Paris », dit-il (notice), une école de lutherie active jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, où l’on compte également les signatures Boivin, Guersan, Lambert, Pierray et Renaudin. Sur son nouveau violon, l’artiste entendait jouer la musique contemporaine à la conception de celui-ci, d’où l’exploration du répertoire violonistique français des années vingt du siècle des Lumières et celle, plus précieuse, dans le meilleur sens du terme, des œuvres d'Aubert qui, bien qu’ayant son importance dans l’histoire de la musique française, « n’est pas véritablement passé à la postérité ».
Mieux encore : afin de servir plus habilement le goût français et le goût italien que marie cette facture compositionnelle, Patrizio Germone, qui est également archetier, a conçu, à partir de modèles représentés dans des bas-reliefs observés au château de Versailles, deux archets spécifiques afin de ciseler au mieux la sonorité de son instrument dans ces sonates. Dans les mouvements de caractère dansé (goût français), il fait usage du premier, assez court, quand le cantabile (goût italien) requiert le second, plus long. Le résultat livre une heure savoureuse, squisita même, pour le presque dire ne français.
Avec le talent avisé et le fin savoir de ses partenaires de l’ensemble Hemiolia – la violoncelliste Claire Lamquet-Comtet, l’organiste Denis Comtet, le théorbiste Pierre Rinderknecht et le claveciniste François Grenier –, le soliste enchante l’écoute par ce fruit délicat, tout élégance et expressivité, mûri dans une adversité relative : en effet, c’est dans cet arrêter-le-temps que tous nous avons vécu avec la pandémie de SARS-CoV-2 qu’il fut imaginé, puis enregistré en novembre 2020, à l’instar de nombreux projets, un arrêter-le-temps qui pourrait être apparenté à un modèle de prospections musicales et de réalisations futures alors projetées, comme en témoignent, outre celui-ci, les nombreux CD qui, ensuite, naquirent sous de meilleurs lunes.
Une réussite !
BB