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Chroniques
Jacques Donguy
La Monte Young – Inside of Sounds
Élevé au milieu des moutons que gardait son père dans l’Idaho, La Monte Young (né à Bern, en 1935) vit sa première expérience musicale avec le vent passant à travers les rondins de la cabane qui l’avait vu naître – plus tard, il écouterait insectes, poteaux téléphoniques, sifflets de train, frottements des bancs sur un sol en ciment, machines des usines où il gagne sa vie autour de la vingtaine. La musique, il l’apprend très jeune avec divers membres de sa famille, au fil de déménagements liés à la Grande Dépression (chants de cow-boys, guitare, harmonica, piano et saxophone).
L’arrivée dans la deuxième ville du pays ouvre des portes à cet aîné de six enfants : John Marshall High School (1950-1953), Los Angeles City College (1953-1956) et University of California at Los Angeles (1957-1958). Dans chacune des deux premières, il étudie avec un ancien élève de Schönberg. D’un côté, Clyde Sorenson accompagne sa rencontre avec Bartók et Webern tandis que Leonard Stein lui donne accès à Debussy, Stravinsky, Stockhausen et Boulez. Dans la troisième, il découvre le chant grégorien, approfondit les arts indien et japonais. Son admiration pour la clarté webernienne va de pair avec l’éloignement du milieu du jazz, que son saxophone alto anima longtemps, mais dont les limites apparaissent flagrantes au compositeur en devenir. De même sent-il nécessaire d’aller au delà du dodécaphoniste, annonçant l’avènement du minimalisme avec ses amis Dennis Johnson et Terry Jennings.
Auteur d’un entretien avec Young paru dans Art Press en 1990 – reproduit en fin de volume – Jacques Donguy aborde d’autres épisodes emblématiques de la maturation : la poursuite d’études à Berkeley où on l’autorise à programmer des concerts, un séminaire à Darmstadt, son rôle de directeur artistique auprès des artistes Ann Halprin et Yoko Ono, un flirt sans lendemain avec Fluxus – pour celui qui préfère la stase au flux. Dans ses années où il approche des figures marquantes (Stockhausen, Maxfield, Cage, Riley et l’Indien Prân Nath dont il devient le disciple pour un quart de siècle), on le retrouve toujours plus sensible au son (spatialisation, puissance, vibration), figure de proue du collectif Theater of Eternal Music avec lequel il joue The Four Dreams of China et The Tortoise, notamment.
En dernière partie d’un ouvrage bien renseigné mais au style perfectible (quelques coquilles et redondances), le biographe aborde la génèse de deux pièces emblématiques des années soixante : Well-Tuned Piano, né en 1964 sous la forme d’une improvisation de quarante-cinq minutes sur un piano droit réaccordé, après des années de désintérêt pour cet instrument, et Dream House, concept d’une œuvre qui serait jouée sans fin et existerait dans le temps comme un organisme vivant. On y découvre des éléments essentiels pour Young, tels qu’intonation juste, symétrie, intervalles complexes et nombres premiers, et aussi pourquoi le magenta s’invite à ses performances – tout comme il le fait ici, sur la couverture. De ce fils de Mormons qui lie art et spiritualité, retenons cette confidence :« je n’ai jamais étudié la méditation, parce que je sens que c’est ma vie entière, mon but dans la vie, le sens de ma vie, et le sens de ma musique elle-même ».
LB