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Chroniques
Jacques Drillon
Liszt transcripteur / Schubert et l'infini
Enseignant puis journaliste, Jacques Drillon a écrit une quinzaine d'ouvrages assez divers – littérature, esthétique, musique, etc. Le présent ouvrage réunit deux essais fort intéressants parus respectivement en 1986 et 1996, qui cherchent à répondre à ces questions : Pourquoi Liszt a-t-il transcrit tant de musique (plus de la moitié de son catalogue) ? Pourquoi Schubert a-t-il abandonné tant d'œuvres avant terme ?
Contrairement à une légion de paraphraseurs, Liszt a su faire naître de ses transcriptions pour piano autre chose que des pots-pourris. Qu'il choisisse d'aborder les lieder ou les symphonies, les variations produites sont proches de l'art, sans doute parce qu'il se mesure aux plus grands (Schubert, Beethoven, Chopin entre autres, sans oublier Bach qui lui résiste).
Drillon analyse finement les stratagèmes inventés par Liszt pour parvenir à ses fins, comme le choix du lied idéal, les modifications apportées, les substitutions opérées, les concessions face à un instrument qui ne connaît pas le legato et ne tient pas les notes. Occupé à « peindre une fresque sur l'espace d'une miniature », le Hongrois fait plus que favoriser la circulation de certaines œuvres nouvelles ou passées : il les fait admettre.
Schubert est de ceux qui ne prétendent pas posséder la Vérité ; sans cela, il n'aurait pas privilégié la forme brève, qui évacue tout développement, tout contrepoint complexe au profit d'une idée simple, musicale et poétique. Lorsque la composition n'est pas instantanée comme pour le lieder, Schubert abandonne facilement (d'après l'annexe établie par l'auteur, plus d'une centaine d'œuvres, de la sonate au théâtre en passant par la symphonie).
« Affligé de la maladie de ceux qui ne peuvent pas finir » – comme le dit Debussy de lui-même –, Schubert nous séduit, nous ses frères en solitude, faiblesse et lassitude...
LB