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Chroniques
Jacques Offenbach
Les contes d’Hoffmann
Ces Contes défigurés au vitriol auraient dû rester dans la cave sombre de maître Luther. Nous en venons à nous demander la raison première de reporter sur support DVD autant d'inepties. La mixture proposée par le metteur en scène, Giancarlo Del Monaco, accumule toutes les tares des versions inauthentiques. Une de plus, diront certains ! Il faut donc une bonne dose d'amnésie et fermer les yeux sur les travaux des musicologues Fritz Oeser, Mickael Kaye et de Jean-Christophe Keck pour supporter cette énième production bancale. Dans un certain sens, ce travail de rabouilleur perpétue la tradition des délits de contrefaçon.
Le résultat, on s'en doute, est d'une déconcertante déception – on en revient, entre autres, aux trois tableauxtraditionnels de la version dite Choudens : ceux d'Olympia, de Giulietta et d'Antonia – et l'architecture dramatique demeure peu convaincante. On retranche des scènes, on brouillonne le texte, on raboute ici et là pour en arriver à un galimatias où la confusion le dispute à l'envi à l'inintelligibilité. Pour faire original, il eut été plus convenable de proposer la partition découverte en juillet 2004 dans les caves du Palais Garnier.
Pour l'auditeur francophone, il faudra un certain temps avant qu'il s'aperçoive que l'on chante dans sa langue. À quelques exceptions près – nous pensons pertinemment au baryton Christophe Fel en Luther/Crespel, à Christian Jean en Spalanzani –, tous les autres s'expriment dans un charabia incompréhensible. Parfaitement inaudible, Kontantin Gorny incarne le rôle quadruple des méchants et en devient même caricatural. Le personnage romantique d'Hoffmann fait place à un ténor bossu, épouvantail drapé d'un imper’ faisant fuir les moineaux, éthylique claudiquant sur scène, gauche dans ses mouvements et râlant uniformément son désespoir d'un tableau à l'autre. Mais le pire est à venir. La Muse/Niklausse de Katharine Goeldner a la fraîcheur et la sensualité d'une douche froide ! Le soprano Milagros Poblador reste coincé dans ses vocalises et un jeu de poupée mécanique maladroit. Mention honorable pour la crédible Antonia de Maria Bayo, quoique nous ayons vu plus inspirée ailleurs. Notons la défectuosité héréditaire à rebours d'Itxaro Mentxaka dans le rôle de la Mère. Distante dans son duo avec Hoffmann, la Giulietta de Valentina Kutzarova parvient tout de même à insuffler un peu de flamme dans ce tableau.
Mais nulle part la distribution brille, ni par la vaillance ni par l'implication du jeu scénique ; jamais les interprètes ne parviennent à incarner vraiment leur personnage. Le Chœur de l'Opéra de Bilbao est insupportable. Le décor et les costumes de Michael Scott ne parviennent pas à colmater les maladresses. Dans cette version qui se veut psychanalytique, aucune transcendance n'est perceptible. Laissons le soin aux héritiers spirituels deJacques Offenbach de nous rendre une version viable et surtout plus conforme à ses souhaits.
JH