Chroniques

par laurent bergnach

Jacques Offenbach
Les contes d’Hoffmann

2 DVD Bel Air Classiques (2009)
BAC 049
En 2008, Olivier Py s'attache au côté macabre des Contes d'Hoffmann

Qui est donc ce fameux Hoffmann, de ces trois prénoms Ernst Theodor Wilhelm – ou Amadeus, comme il décidera plus tard, en hommage à Mozart ? Né en 1776 à Königsberg (Prusse orientale), ce fils d'un pasteur luthérien fait ses débuts comme juriste dans l'administration avant de développer des talents de dessinateur, de peintre, de critique musical, de compositeur et, bien sûr, d'écrivain puisqu'il va devenir l'une des principales figures du romantisme allemand, offrant à la littérature d'imagination une alternative au roman noir et au conte gothique. À fréquenter tavernes, théâtres et bibliothèques, il trouve matière à ses écrits fantastiques mais rencontre aussi l'exaltation, le surmenage et l'abus d'alcool qui lui causent des accès de fièvre nerveuse répétés, à l'approche de la quarantaine. Hoffmann meurt à Berlin en 1822, à l'âge de quarante-six ans.

En France, à des degrés divers, Nodier, Gauthier, Musset et Nerval ont subi son influence, et notamment Balzac qui admire son confrère d'outre-Rhin « parce qu'il refuse le classicisme bourgeois et la littérature roucoulante [...] ». Pour leur part, en 1851, Jules Barbier et Michel Carré placent le poète au cœur d'une pièce de théâtre, s'inspirant de trois de ses histoires : Der Sandmann (L'Homme au sable), Rat Krespel (Le Conseiller Crespel) et Das verlorene Spiegelbild (Le Reflet perdu). Offenbach en tire son opéra créé le 10 février 1881 à l'Opéra Comique, quelques mois après sa mort. Seule l'orchestration du prologue et du premier acte porte sa signature, et l'œuvre connaît bien des modifications, durant les répétitions jusqu'après les premières représentations.

Olivier Py met en scène Les Contes d'Hoffmann en s'attachant à son côté macabre, expressionniste et testamentaire, dans une scénographie qui privilégie la fluidité, en accord avec le mouvement perpétuel porté par la musique. L'électricité illumine cette fin de XIXe siècle désespérée mais jamais triste, à l'instar d'un Ensor qui jouerait du clair-obscur. Dans un entretien bonus, Py signale la complexité des allégories de l'ouvrage, l'importance de la figure romantique du diable dans la progression de toute histoire et du besoin de retrouver le choc de la création par de nécessaires adaptations – pense-t-il à la nudité de certains figurants ?

Filmée en octobre 2008 au Grand Théâtre de Genève qui en faisait un maillon de sa Trilogie du Diable (avec Der Freischütz et La Damnation de Faust), cette production propose une distribution équilibrée. Le chant clair et souple de Marc Laho (Hoffmann), celui évident et expressif de Stella Doufexis (La Muse), ainsi que celui – quoiqu'un peu monotone – deNicolas Cavallier (Lindorf, etc.) nous accompagnent avec bonheur d'un bout à l'autre des cinq actes. Patricia Petibon (Olympia), Rachel Harnisch (Antonia) et Maria Riccarda Wesseling (Giulietta) ne manquent ni d'agilité, ni de présence. Parmi d'autres encore, Eric Huchet (Andrès, etc.) et Gilles Cachemaille (Crespel) peuvent être salués. En fosse, Patrick Davin dirige l'Orchestre de la Suisse Romande avec vivacité, voir même un certain tranchant qui colle à la vision cauchemardesque offerte en surplomb.

LB