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Chroniques
Jan Dismas Zelenka
I penitenti al sepolchro del Redentore
Dès la première page d’une biographie consacrée au Bohémien Zelenka (1679-1745), un artiste longtemps qualifié de Bach tchèque et abordé comme un homologue catholique de celui qui fut son illustre cadet, Stephan Perreau écrit : « si sa musique étonne encore aujourd’hui, dérange même l’oreille par ses harmonies curieusement chargées en chromatismes hardis, surprend par sa puissance émotionnelle et sa profonde densité liturgique, elle n’a de cesse de ravir les interprètes qui trouvent en elle maintes difficultés techniques et la satisfaction d’une exaltation fervente qui concurrencera parfois même celle du Cantor de Leipzig » (in Jan Dismas Zelenka, bleu nuit éditeur, 2007).
Collegium 1704, Collegium Vocale 1704 et Václav Luks font partie de ces musiciens qui tirent régulièrement de l’oubli l’une ou l’autre des deux cents pièces répertoriées par le musicologue Wolfgang Reich, en majorité religieuses [lire, par exemple, notre chronique d’Officium defunctorum].
Parmi celles-ci, notons une prédilection pour I penitenti al sepolchro del Redentore ZWV 63, œuvre souvent jouée en public [lire notre chronique du 26 aout 2009], mais également enregistrée à Prague en novembre 2008 (Zig-Zag Territoires), et rééditée aujourd’hui par Alpha – même si elle apparaît surtout lors des recitativi secci, la réverbération du Palais Troja pourra gêner le puriste, précisons-le d’emblée.
Avec l’Oratorio tedesco al sepolcro santo (1724) apparaît à la cour de Dresde l’oratorio-sepulcro, une forme qui permet à l’opéra, genre très éloigné de la tradition luthérienne, de franchir les portes de l’église. En 1729, la mort de son auteur, Johann David Heinichen, donne l’occasion à Zelenka d’imposer les siens. Après Gesù al calvario ZWV 62, dont « l’aria de Saint-Jean Baptiste […] peut sans peine se mesurer aux plus beaux airs haendéliens » (dixit Perreau), le compositeur et son librettiste, Stefano Pallavicini, inventent une rencontre bien chimérique entre le roi David, Marie-Madeleine et saint Pierre, pénitents au sépulcre du Rédempteur. Elle est présentée le 30 mars 1736, un Vendredi saint.
Aujourd’hui, trois solistes brillants portent l’œuvre durant plus d’une heure, avant l’unique intervention du chœur dans une dernière section pleine d’un recueillement contagieux : le contralto Mariana Rewerski au chant fort chaleureux [lire nos chroniques de La Didone et d’A midsummer night's dream], le ténor Eric Stoklossa dont ravissent aisance, clarté et netteté de l’émission [lire nos chroniques de La Resurrezione, De la maison des morts au Festival d’Aix-en-Provence puis à Paris, enfin de Paradise reloaded], ainsi que le baryton-basse Tobias Berndt, au timbre assez cuivré, qui allie souplesse et fermeté [lire nos chroniques de la Matthäus-Passion à Dijon et à Paris, Dido and Æneas et Die Israeliten in der Wüste]. Outre la réverbération évoquer plus haut, il faut mentionner l’accent mis sur les cordes graves qui donnent l’impression d’un orchestre un peu lourd. Mais c’est un détail, et cette réédition est largement justifiée pour mieux connaître celui que d’aucuns perçoivent comme un maillon entre Vivaldi et Mozart.
LB