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Chroniques
Jean-Baptiste Lully
Thésée
C’est un secret pour personne : Christophe Rousset aime la musique de Jean-Baptiste Lully dont il s’est fait, de longue date, le zélé champion, au concert et à la scène comme au disque. Enregistrée en mars 2023 à la Seine Musicale, dans le sillage des exécutions de concert au Theater an der Wien, au Bozar puis au Théâtre des Champs-Élysées (Vienne, Bruxelles et Paris), la tragédie en musique Thésée, dont on pourrait fêter le trois cent cinquantième anniversaire de la création le 15 janvier 2025, gagne bel impact dans la respiration du chef français qui sut s’entourer d’une équipe vocale ô combien efficace.
Encore faut-il, avant que d’aventurer plus avant le lecteur dans l’exploration enthousiaste du plaisir dispensé par les musiciens, instrumentaux et vocaux, saluer le travail remarquable des preneurs de son Ambroise Helmlinger et Maximilian Ciup, ce dernier s’étant également chargé du mixage et du montage de cette parution Aparté qui déploie une présence toute particulière dans votre salon – oui, vraiment, c’est chez chacun qu’est joué l’opéra de Lully, si singulièrement naïve que peut sembler telle phrase.
Avec la complicité de ses excellents Talens Lyriques, Christophe Rousset signe une gravure impressionnante par l’exigence du style comme par la souplesse insufflée dans la ferme stature de l’édifice, invitant le théâtre dans l’inflexion sans en jamais dévoyer les conventions via une expressivité déplacée. La saine vivacité du résultat est une nouvelle réussite à laquelle contribuent avec vaillance les artistes du Chœur de chambre de Namur, dument préparés par Thibaut Lenaerts. Quant aux solistes, l’esprit chagrin aura beau chercher, il n’y en a guère à dire que du bien.
Nous retrouvons ici des voix qui font les délices de nos soirées baroques, sans qu’elles limitent pour autant le champ de leur exercice. Ainsi du piquant Robert Getchell, tour à tour Bacchus, Plaisir, berger, vieillard, etc. Dans cinq incarnations qu’on pourrait dire subalternes et cependant bien présentes, Fabien Hyon affirme à nouveau ses qualités vocales. Marie Lys n’est pas en reste en Cléone, Cérès puis bergère. Ainsi en va-t-il encore de Thaïs Raï-Westphal parfaitement distribuée en Vénus, Dorine, etc. Minerve puis Prêtresse, Bénédicte Tauran satisfait à son tour. Quant à la basse Guilhem Worms, ses Arcas et Mars, qui font naturellement autorité, viennent contredire certaines réserves exprimées par le chroniqueur au fil de ses pérégrinations critiques : nulle nébuleuse dans la diction, dans ce gosier doté d’un grain qui donnerait presque le frisson. Avec un bonheur certain, Philippe Estèphe livre un Égée qui fait plus que retenir positivement l’écoute, quand Deborah Cachet prête à Églé le timbre qu’il faut. D’une couleur idéalement belliqueuse, Mathias Vidal sert le rôle-titre, auquel répond le chant plus complexe de Karine Deshayes, en Médée infiniment nuancée. Aurait-on rêvé mieux ?...
BB