Chroniques

par laurent bergnach

Jean Françaix
Quintettes à vent n°1 et n°2 – Quatuor – Divertissement

1 SACD BIS records (2012)
BIS-SACD-2008
Jean Françaix | musique de chambre pour vents

« Il faudra que je gagne ma vie alors je me mettrai compositeur », décrète Jean Françaix (1912-1997) à l’âge de huit ans, rejoignant cette famille de créateurs qui savent très tôt sur quel chemin engager leur vie. Certes, le père compose et joue du piano, la mère est violoniste, si bien que l’enfant baigne dans une ambiance propice. Il n’empêche qu’il est doué, mais également curieux, comme le souligne Ravel à qui un manuscrit est envoyé. Aux premières pièces pour piano dédiées à une cousine à l’âge de dix ans (Pour Jacqueline) fait suite une éducation musicale confiée à Isidore Philipp et Nadia Boulanger. Au bout de deux mois, cette dernière dira à la maman : « Madame, je ne sais pas pourquoi nous perdons du temps à lui faire travailler l’harmonie, il sait l’harmonie. Je ne sais pas comment, mais il la sait, il est né le sachant ».

Le centenaire de la naissance de Jean Françaix est l’occasion de mettre en avant quatre de ses opus pour vents – dont trois antérieurs à 1950, année où le compositeur reçoit le Prix du Portique pour l’ensemble de son œuvre (ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’agrandir son catalogue jusqu’à son décès, le 25 septembre 1997). Ils ont été enregistrés en avril 2008 dans une église de Norvège, quelques mois avant une vaste tournée en Chine, par le Quintette à vent de Bergen, composé de Gro Sandvik (flûte), Steinar Hannevold (hautbois), Fredrik Fors (clarinette), Ilene Chanon (cor) et Per Hannevold (basson).

Le Quintette n°1 (1948) fait suite à une demande du corniste Louis Courtinat, avec un objectif avoué de virtuosité pour contenter les interprètes – « en le déchiffrant, raconte Françaix, ils trouvèrent que j’avais été un peu fort ». Mis à part l’avant-dernier mouvement réellement calme, les trois autres offrent un galop souriant, enjoué, voire goguenard, une jubilation que ne renierait pas la comédie musicale – le tout sans se départir d’une certaine élégance. Quarante ans plus tard, avec la crainte de démériter, le compositeur s’attelle à la conception du Quintette n°2 (1987) commandé par la formation Aulos. Là encore, les contrastes sont nombreux entre les climats (sérénité et nonchalance d’un côté, vitalité voire frénésie de l’autre) et les timbres (brillance de la flûte versus boisé râpeux de la clarinette).

« […] Beaucoup de diplomatie, un mélange de Machiavel et d’illusionnisme », c’est ce qu’il faut posséder, d’après Françaix, pour fondre les éléments hétérogènes d’un quatuor à vents. Celui qu’il compose pour flûte, hautbois, clarinette et basson (créé par des membres du Quintette à vent de Paris, le 26 avril 1933) ne manque pas de magie. À la manière d’un Poulenc, il apparaît à l’aise dans une vivacité qu’on imagine toute parisienne, un écho de danse populaire ou encore un moment élégiaque. Cette dernière ambiance, tout comme un bercement mélancolique, se retrouve dans Divertissement pour hautbois, clarinette et basson (créé par le trio André Dupont, le 26 janvier 1947), en alternance avec des mouvements très rythmés, décidemment en abondance dans ce programme.

LB