Chroniques

par pierre-jean tribot

Jean-Louis Agobet
œuvres pour orchestre

1 CD Timpani (2004)
1094
quatre œuvres pour orchestre de Jean-Louis Agobet

La scène de la musique contemporaine française voit s'épanouir de jeunes talents aux styles riches et variés comme Thierry Eschaich, Pascal Zavaro ou Guillaume Connesson. Il faudra désormais compter avec Jean-Louis Agobet. Né en 1968, il étudie à Aix-en-Provence, puis à Nice auprès de Jacques Charpentier, avant d'intégrer la classe de composition et d'informatique musicale de Philippe Manoury au CNSM de Lyon. Il se perfectionne ensuite auprès de différentes institutions et il remporte, en 1995, le prix spécial Italia de Bologne pour le monodrame radiophonique Rinvenuto. Le compositeur est pris sous l'aile de formations symphoniques françaises comme l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg auprès duquel il occupe le poste de compositeur en résidence d'octobre 2001 à juin 2004. C'est d'ailleurs dans ce cadre qu'est édité l'actuel disque qui regroupe les partitions crées pour la phalange alsacienne.

L'album s'ouvre par Génération (2003), sous-titrée Concerto grosso pour trois clarinettes et orchestre. La nomenclature instrumentale inusitée permet au compositeur de multiplier les échanges et les sonorités entre les solistes et l'orchestre. Écrite en trois mouvements, cette pièce est magnifiée par la crème des clarinettistes français : le grand Michel Portal, le célèbre Paul Meyer et le soliste de l'Ensemble Intercontemporain, Alain Billard.

Phonal pour orchestre seul est la partition la plus ancienne de ce programme, puisque son écriture remonte à 1999-2000. Cette réalisation résulte de la fascination de l'artiste pour l'orchestre qu'il considère comme son instrument préféré. Fruit d'une commande de l'Orchestre National de Montpellier, la pièce est envisagée comme une structure qui utilise au maximum les possibilités de la formation. En deux parties, l'œuvre oppose un premier volet, basé sur un ré et dont l'évolution à travers l'orchestre est abordée « comme une sorte de traité d'harmonie personnel », à une seconde partie qui recycle et module des éléments déjà entendus avant de se terminer sur le ré initial.

Feurmann (2004) pour violoncelle et orchestre est le premier mouvement d'un futur concerto pour violoncelle. Destinée à être programmée en prélude au Concerto de Schumann par Steven Isserlis qui joue sur le Stradivarius du légendaire Emmanuel Feurmann (d'où le titre), cette partition flamboyante mais raffinée n'est pas sans évoquer Henri Dutilleux. Le violoncelliste Xavier Philips prend brillamment la suite de son confrère britannique. Le programme se clôt avec Ritratto concertante (2000) pour piano et orchestre sous les doigts d'Alexandre Paley. Le compositeur ne retient de l'idée de concerto qu'un « art du toucher » ; il préfère développer l'acoustique en utilisant le soliste comme un « générateur de figures musicales proliférant dans l'orchestre ».

Tout au long de ce programme, l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg se surpasse sous la direction du jeune chef français François-Xavier Roth. Agé seulement de 34 ans et lauréat du concours de direction d'orchestre Donatella Flick de Londres, il est déjà professeur au Conservatoire de Paris, tout en veillant aux destinées de son orchestre Les Siècles avec lequel il aborde les compositeurs français de l'époque baroque et classique.

Jean-Louis Agobet est sans aucun doute un artiste à la personnalité bien trempée et indépendante. Sa musique sans concession à l'intellectualisme ou au conservatisme sonne brillamment. Comme tous les compositeurs français marquants, notre homme attache une grande importance au timbre et à la musicalité. Ses pièces avec solistes proposent de vrais dialogues entre les instruments et l'orchestre. Ce beau disque d'un musicien prometteur est certainement à classer dans le trio de tête des productions de musique contemporaine de l'année, Génération étant l'une des partitions les plus innovantes et stimulantes entendues ces dernières années.

PJT