Chroniques

par laurent bergnach

Jean-Marc Singier
œuvres variées

1 CD Merci pour les sons (2017)
MPLS 17001
monographie de Jean-Marc Singier (né en 1954), composée de neuf pièces

Citoyen du monde, Jean-Marc Singier ? Biographie en main, on découvre que le compositeur (né à Paris, en 1954) n’a pas craint de quitter l’Hexagone pour approfondir son art auprès de Ligeti et de Donatoni (Vienne, Rome, etc.), ni de confronter une formation de percussionniste à des sensibilités venues d’ailleurs (Afrique, Iran). Cependant, ses racines restent françaises, comme en témoigne un intérêt pour les polyphonistes de l’École de Notre-Dame et pour certains prosateurs turbulents (Rabelais, Jarry, Queneau). Avec sept œuvres enregistrées, à Paris pour les plus anciennes (Maison de Radio France, septembre 2001) et à Marseille pour la plus récente (Dames Réunies Religieuses Hospitalières Saint Augustin, mai 2006), cette monographie célèbre un glaneur de matériaux – à la manière de Picasso ou de Stravinsky qu’il affectionne –, puisqu’à en croire Gérard Pesson : « il y a du bricoleur, du Tinguely chez Singier » (notice du CD).

Trois pièces pour piano en forment le cœur, jouées avec bonheur par Dominique My : Élans, saccades, et biais du flux (1996), Triés, pétris, pêle-mêle… (1999) et Fragments distincts, fouillis d’instants (2000). La première, « méditation pianistique » conçue grâce à l’insistance de sa dédicataire et sous l’influence d’Albéniz et de Bartók, frôle plus d’une fois le sérialisme, mais avec une réitération contradictoire. Sa longueur en fait une ritournelle sèche qui lasse et déçoit. La deuxième suit les traces d’un Webern, là encore sans la doctrine, avec une couleur néoclassique digne de Dallapiccola. À mesure que la fin approche, son côté sérieux s’estompe pour une danse presque tribale et tournoyante. La troisième, enfin, s’avère une courte broderie aux d’allure répétitive qui combine des microcellules dans différents ordres.

Les deux duos regroupent la page la plus âgée et la plus jeune du disque. Assez échevelé, Appendices (1983) vise à donner une unité formelle à deux discours virtuoses antagonistes, liant la flûte aiguë de Patrice Bocquillon au violoncelle grave de Véronique Marin. Pour sa part, Accents dessus, dessous… du flux, du flou…, des axes (2004) capte cette « sorte d’irisation », typiquement vingtièmiste (Berio, Boulez, Hurel, etc.), qui sourd de l’association du piano et de la percussion, en un séduisant triptyque joué par Marie-Josèphe Jude et Florent Jodelet. La section initiale met en relief des cascades pianistiques agrémentées de chocs métalliques et de piétinements boisés. Avec ses notes rares, le début de la seconde fait figure de nocturne (scintillements, souffles, effleurements), tandis que la dernière portion, plutôt brève, renoue avec un rythme martelé, presque sauvage.

Les pièces pour ensemble dirigées par Dominique My ont pour nom Rouages d’œillades, voire… (1985/1997) et Farandoles de bribes, en ribambelles (1997). La première est une réflexion sur les nouvelles couleurs possibles de la guitare, un instrument souvent associé au répertoire folklorique. Sollicitant les castagnettes et des sons rappelant le koto, Singier joue le clin d’œil exotique. Composée pour les dix ans de l’ensemble FA, la seconde est une œuvre joviale, ludique et nuancée, un peu narquoise et dégingandée, aussi.

LB