Recherche
Chroniques
Jean-Pascal Beintus – Sergeï Prokofiev
Wolf tracks – Pierre et le loup
Sergeï Prokofiev (1891-1953) a toujours été attiré par les contes folkloriques et par les histoires pour enfants – que l'on cite simplement la cantate miniature Le vilain petit canard de 1914 ou Cendrillon, ballet de 1945... Créé à Moscou le 2 mai 1936, Pierre et le loup est une commande destinée à présenter aux plus jeunes le travail de l'orchestre et des instruments qui le composent. Grâce au talent et au procédé utilisé, Prokofiev rend presque visible les personnages de ce morceau qui devint vite universel et populaire. Pierre, le loup, le canard et l'oiseau sont aussi présents sur la notice du disque, illustrée par des enfants d'orphelinats et d'établissements pour jeunes handicapés moscovites. C'est Sophia Loren, l'actrice italienne, qui nous raconte cette histoire dans la langue de Shakespeare, d'une voix qu'elle sait rendre tour à tour émerveillée, joueuse ou sagement conteuse.
William Jefferson Clinton, quarante-deuxième président des États-Unis, est le second invité de ce disque. Est-ce à cause de son passé de saxophoniste qui faillit devenir professionnel qu'il s'est joint à l'aventure ? Ici, son rôle est de narrer Les Traces du loup (Wolf Tracks), un texte de Walt Kraemer sur une musique du compositeur français Jean-Pascal Beintus (né en 1966) dans lequel un petit garçon nommé Pierre, parti en quête d'aventures, se retrouve avec une montagne d'ennuis... Son grand-père lui donne finalement un bon conseil : « ...Profite des bois, profite des animaux, mais laisse-les vivre, ce sera déjà pas mal pour commencer ».
On reste plutôt sur sa fin, à la fois en ce qui concerne l'œuvre qui n'est pas d'un grand intérêt musical, somme toute assez bien orchestrée et pouvant gentiment se prêter au décorum sonore d'une bande de film, sans plus, et par la prestation de Bill Clinton, peu convaincante, effacée et plate.
Principale et excellente surprise de cet enregistrement : la présence de Mikhaïl Gorbatchev. Le père de la glasnost occupe ici les intermèdes en langue russe traduits par le chef de l'Orchestre National Russe, Sergei Markov. Ce n'est pourtant pas ce dernier qui dirige l'orchestre (créé en 1990) pour l'enregistrement, mais Kent Nagano que l'on ne présente plus. Les interventions de l'ancien chef de l’État russe sont ici précieuses, c'est-à-dire qu'elles jouissent d'autant de relief que de rareté, bénéficiant d'une voix qui happe l'oreille comme aucune autre. La lecture de Nagano est précise, et l'ensemble est avantagé par une prise de son splendide.
Enfin – et c'est très important ! – les bénéfices de ce disque seront distribués à des associations d'aide diverses, choisies par les trois personnalités qui souhaitaient donner un exemple de partage et de tolérance. Un disque adapté à l'esprit de Noël !
LB