Chroniques

par samuel moreau

Jean-Philippe Rameau
Les paladins

1 coffret 2 CD Arion (2006)
ARN 263660
Jean-Philippe Rameau | Les paladins

S'il était mort à cinquante ans, Jean-Philippe Rameau n'aurait laissé que quelques cantates, motets et pièces de clavecin. Sa longévité exceptionnelle (1683-1764) lui permet de peaufiner nombre d'œuvres lyriques – d'Hippolyte et Aricie (1733) aux Boréades, donné à titre posthume –, et de se retrouver au cœur de débats esthétiques, telle la fameuse Querelle des Bouffons (1752) dont il se serait bien passé. Critiqué tantôt pour son avant-gardisme, tantôt pour son attachement à des règles dépassées, l'auteur des Indes Galantes arrive trop tard, composant une musique dont la nouveauté paraît obsolète à ses contemporains. « L'imagination est usée dans ma vieille tête », confie-t-il dans les dix dernières années de sa vie. Et pourtant, c'est une œuvre pleine de fantaisie qu'il livre avec Les Paladins – présenté au public à l'automne 1990 par l'Atelier Lyrique de Tourcoing et le Théâtre Municipal de la ville, dont cet enregistrement garde la trace.

Écrite sur un livret de Duplat de Monticourt, cette comédie-ballet représentée à l'Académie Royale de Musique le 12 février 1760 nous invite dans un monde enchanté et irréel, nimbé de notes sensuelles propices à la danse (gavotte, contredanse, menuet, etc.). On y croise la fée Manto, des ménestrels, des pagodes chinoises, des statues animées, réunis dans une histoire d'amour contrariée qui finit par la réunion des amants Argie et Atis. Mais le livret est jugé inepte, mal écrit et, musicalement, le public est peu sensible à la caricature des poncifs de l'opéra, au trompe-l'œil d'un univers baroque révolu. Il est bien loin, le succès réservé à Platée !

Depuis quarante ans à la tête de La Grande Écurie et La Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire nous régale d'une conduite souple et contrastée qui magnifie l'ouvrage, mélange de majesté, d'élégance et de vivacité. Notre avis sur les chanteurs est plus mitigé : d'un côté nous trouvons l'agile et enjouée Ghyslaine Raphanel (Nérine), le chant sain et ample de Nicolas Rivenq, à l'articulation superbe (Orcan), la fiabilité de la basse Gregory Reinhart (Anselme imposant) ; d'un autre l'émission et la diction laborieuses d'Audrey Michael (Argie), la vaillance instable et le manque de style de Bruce Brewer (Atis), la puissance claire de Douglas Nasrawi (Fée Manto), qu'on aurait aimé plus souple, et moins étroit sur les fin de phrases.

SM