Chroniques

par laurent bergnach

Jean-Philippe Rameau
Les paladins

2 DVD Opus Arte (2005)
OA 0938 D
les danseurs de José Montalvo, au Châtelet, en mai 2004

La cinquantaine venue, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) aborde la composition d'opéras dont certains lui apporteront la gloire et nous sont à présent familiers : Hippolyte et Aricie (1733), Les Indes Galantes (1735), Platée (1745), etc. Avant Les Boréades – son dernier ouvrage pour le théâtre, jamais représenté de son vivant [lire notre critique du DVD] –, Les Paladins voit le jour le 12 février 1760, à l'Académie royale de musique de Paris. L'histoire de cette comédie-ballet en trois actes, sur un livret de Duplat de Monticourt, est simple.

Avec sa suivante Nérine, Argie est séquestrée par Anselme, un tuteur jaloux qui attend l'heure de l'épouser. Bien sûr, la jeune femme en aime un autre : Atis qui, déguisé en pèlerin avec toute sa troupe de paladins, parvient à l'enlever. Lors d'une rencontre imprévue, Argie ouvre son cœur à Anselme ; le tuteur fait mine de lui souhaiter tout le bonheur du monde, mais envoie aussitôt Orcan, son ancien geôlier, lui ôter la vie. Le projet échoue, et c'est en compagnie d'hommes en armes qu'Anselme part en chasse. Mais le barbon sera piégé par un nouveau protagoniste, la fée Manto, qui va révéler aux yeux de tous la cupidité et l'infidélité d'Anselme, désormais honteux et résigné.

On sait que l'ouvrage n'a pas connu beaucoup de succès, et certains l'expliquent par un mélange débridé (chant, danse, bouffonnerie, féerie). Mais pour notre époque post-moderne, comme l'explique William Christie à la veille des représentations au Théâtre du Châtelet, en mai 2004, l'occasion est trop belle, avec José Montalvo, « de redoubler d'imagination, de fantaisie et de délire, de nous laisser emporter par l'hymne au plaisir qui est au cœur même de la philosophie et du travail créateur de Rameau ». Le foisonnement des styles caractérise une mise en scène reposant sur la danse et la projection – que l’on retrouvera en octobre 2006, au cours de la première saison de Jean-Luc Choplin à la tête du Châtelet.

Les danseurs excellent à mêler hip-hop et capoiera à des emprunts classiques, mais leur agitation finit par lasser. Le public ne s'y trompe pas : Air pour les pagodes (Acte III), où quatre d'entre eux jouent les automates, est une pépite de calme poétique saluée d’applaudissements. Quant aux projections sur écran, elles jouent à fond le miroir et l'accumulation baroque : double des artistes en costumes d'époque, animaux exotiques, statues, jardins, etc. Une fois l'enchantement de la découverte passée, ce trop-plein devient pesant ; mais reconnaissons l'effort d'avoir chassé les noirs et les ors d'un spectacle très coloré, ainsi que la qualité de certains gags.

Comme les chanteurs accompagnent parfois les danseurs, c'est un plaisir de voir se trémousser Stéphanie d'Oustrac (Argie) ; son chant est peu avare en ornements, mais le timbre s'avère parfois métallique. En comparaison, Sandrine Piau (Nérine) possède moins de corps mais plus de souplesse. Chez les hommes, les anciens déçoivent : Laurent Naouri (Orcan) est instable et René Schirrer (Anselme) peu sonore. En revanche, la souplesse, la rondeur et la diction de Topi Lehtipuu (Atis) et de François Piolino (Manto) sont exemplaires. La lecture de William Christie, à la tête des Arts Florissants, est claire et vive.

En bonus, un reportage d'une heure revient notamment sur l'aspect parodique de l'œuvre mais, à part quelques minutes, ces extraits, ces entretiens le font osciller entre bande annonce et explication de texte.

LB