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Chroniques
Jean-Philippe Rameau
Castor et Pollux
Un peu de mythologie, pour commencer…
Si Leda est leur mère commune, Castor a pour père légitime le roi Tindare, tandis que Jupiter s'avère le géniteur de Pollux. Et parce que, de fait, ce dernier se voit offrir l'immortalité d'un demi-dieu, la différence de statut entre les deux frères va nourrir la tragédie lyrique en cinq actes composée par Jean-Philippe Rameau. En effet, l'ouvrage commence avec les pleurs de Sparte apprenant la mort de Castor. Inconsolable, Telaïre demande à Pollux de descendre aux Enfers et de lui ramener son aimé. Amoureux de la jeune femme, le héros hésite à apporter son aide, puis songe à échanger sa place avec le défunt – comme le lui propose Jupiter, inquiet cependant que son fils se laisse tenter. Princesse de Sparte amoureuse du demi-dieu, Phébé cherche elle aussi à le retenir, jusque devant la porte des Enfers gardée par plusieurs Démons. Mercure aide Pollux à franchir les obstacles et retrouve Castor, tourmenté par le souvenir de son amour pour Telaïre. Par affection pour son frère qui se sacrifie, il décide de retourner sur terre mais pour une journée seulement. Ému de le voir tenir sa promesse, Jupiter lui accorde l'immortalité.
En accord avec ce perpétuel entre-deux (deux femmes, deux mondes, deux amours), Pierre Audi place les protagonistes d'une même étoffe (coiffures et costumes) de cette production amstellodamoise dans un espace neutre aux allures de coulisses – là où le mouvement empêche la certitude. La qualité de la distribution vocale fait le reste : chant riche d'Anna-Maria Panzarella (Telaïre), large de Véronique Gens (Phébé), évident de Judith van Wanroij (Cléone), ferme de Henk Neven (Pollux), élégant et à la conduite exemplaire de Finnur Bjarnason (Castor), etc. Comme pour Zoroastre [lire notre critique du DVD], Amir Hosseinpour propose une danse inventive et expressive.
Dans l'ouvrage qu'il consacre au compositeur chez Actes Sud [lire notre critique], Christophe Rousset rappelle que Castor et Pollux offrit à Rameau son plus beau succès sur la scène lyrique : en effet, de sa création à l'Académie Royale de Musique le 24 octobre 1737 jusqu'à sa dernière reprise, en 1785, on dénombre deux cent cinquante-quatre représentations de l'ouvrage. S'il émet des réserve sur le livret de Pierre-Joseph Bernard – « ton assez emprunté, […] collage de clichés éculés » –, en revanche, le claveciniste et chef d'orchestre comprend l'enthousiasme du public face à cette musique « d'une vigueur et d'une invention stupéfiantes ». Économe de ses gestes, il dirige Les Talens Lyriques avec vivacité, bouillonnement et profondeur.
LB