Chroniques

par laurent bergnach

Jean-Philippe Rameau
Daphnis et Églé – La naissance d’Osiris

1 DVD Alpha (2014)
704
William Christie joue deux actes de ballet signés Jean-Philippe Rameau

Outre Lyon et Clermont, puis Paris et Versailles, Fontainebleau est aussi une ville à associer au nom de Jean-Philippe Rameau (1683-1764). C’est là que sont créées deux courtes pièces en un acte : la pastorale héroïque Daphnis et Églé, le 30 octobre 1753, et le ballet allégorique La naissance d’Osiris ou La fête Pamilie, le 12 octobre 1754. Promis à un bel avenir de chansonnier sous l’appellation de « Corneille de la parade », Charles Collé réalise le livret de la première, mais déplore des relations tendues avec le musicien – « il brusquait les auteurs à un point qu'un galant homme ne pouvait soutenir de travailler une seconde fois avec lui ; il n'y a que le Cahusac qui ait tenu […] ». C’est donc ce dernier, déjà collaborateur pour les ballets Zaïs (1748) et Naïs (1749), qui se charge du second livret. En juin 2014, ces deux raretés sont présentées au Manège de l’Académie de la Guérinière (Caen), défendues par des artistes qui distancent l’ennui qu’on redoutait.

« Pour pouvoir refaire une mise en scène d’une tragédie lyrique, explique William Christie, nous avons quelques livres, un matériel iconographique, des gravures, des peintures mais les partitions annotées pour un régisseur de scène sont extrêmes rares. » Celui-ci a donc à charge de faire travailler son imagination. Loin du sépulcral Venus and Adonis de Louise Moaty déjà capté pour Alpha quelques mois plus tôt [lire notre critique du DVD], Sophie Daneman pare ces pastorales d’un esprit bon enfant, sans autre prétention que la fluidité. Déjà saluée dans de nombreux spectacles [lire nos chroniques de Tancrède, L’Egisto et Amadis), la chorégraphie de Françoise Denieau convoque la convention pour mieux la rompre. Ajoutons que le spectacle bénéficie de costumes à la rude élégance (Alain Blanchot) et de lumières raffinées (Christophe Naillet), captés dans une grande variété de plans (François-René Martin).

Le bucolique Daphnis et Églé « témoigne en bien des endroits de l’esthétique italienne alors très en vogue » (dixit Sylvie Bouissou, récente biographe de Rameau [lire notre critique de l’ouvrage]. À la tête de son orchestre Les Arts Florissants, William Christie montre beaucoup d’esprit, dans une rigueur qui laisse place au pétillant. Si Élodie Fonnard (Églé) séduit (voix agréable, diction parfaite) autant qu’elle déçoit (quelques dérapages, allers-retours entre absence et surjeu), on apprécie sans mélange la douceur claire et nuancée de Reinoud van Mechelen (Daphnis) ainsi que le corps d’Arnaud Richard (Grand prêtre).

Lié à la venue au monde de Louis Auguste, duc de Berry et futur Louis XVI, en août 1754, La naissance d’Osiris n’a jamais été repris du vivant de son auteur. De plus, il repose sur un sujet bien mince, présenté dans un avertissement de Louis de Cahusac : « Pamilie entendit une voix en sortant du Temple de Jupiter à Thèbes, qui lui commanda de publier qu’Osiris venait de naître, qu’il ferait un grand prince, et qu’il rendrait les services les plus signalés à sa patrie ». Magali Léger incarne l’héroïne avec une fatigue que l’on souhaite passagère, tandis que nous apprécions la sonorité de Pierre Bessière (Jupiter) et la précision claire de Sean Clayton (Un berger).

LB