Chroniques

par laurent bergnach

Jean-Pierre Jackson
Miles Davis

Actes Sud / Classica (2007) 180 pages
ISBN 978-2-7427-6525-6
biographie de Miles Davis par Jean-Pierre Jackson

D'une biographie bien faite, Paul Dukas disait qu'elle devait laisser le soin au lecteur de tirer lui-même ses conclusions – « elle ne sera ni lyrique, ni anecdotique, ni trop abstraite, ni trop concrète ; elle ne fera revivre des faits, retombés au néant des contingences, que ceux qui ont eu une répercussion quelconque sur la création de l'artiste [...] ». L'exercice paraît périlleux, mais la majorité des biographes s'en sortent avec les honneurs. Après la vie de Charlie Parker (parue en 2005), c'est à retranscrire celle du plus grand styliste de l'histoire du jazz Miles Davis (1926-1991) que Jean-Pierre Jackson s'attèle cette fois ; mais il peine à rendre son personnage attachant et universel son sujet pour qui ne serait pas féru du genre, ou simplement sensible à l'héritage be-bop. Expliquons-nous.

Au départ, tout va bien. Nous faisons la connaissance du jeune garçon de l'Illinois, fils d'un dentiste et d'une élégante qui joue du piano, du violon et enseigne l'orgue. Vers dix ans, un voisin lui offre sa première trompette. À douze, il reçoit ses premières véritables leçons. À seize, Davis commence à jouer un peu partout, principalement dans des jam-sessions. Il devient une gloire locale et décide de partir à New York dont Parker et Gillespie lui font découvrir la vie nocturne. Empruntant à la bibliothèque les partitions de Stravinsky, Berg, Prokofiev, il n'a pas encore touché à la drogue.

Et puis, la chair s'évanouit pour laisser voir l'os. L'idylle du trompettiste avec Juliette Gréco, sa désintoxication de l'héroïne, sa garde à vue arbitraire ne pèsent pas lourd à côté de la ronde des musiciens de son premier quintette (John Coltrane et Philly Joe Jones remplacés par Sonny Rollins et Art Taylor, eux-mêmes remplacés, ad libitum), du détail des albums enregistrés en studio et des tournées rapidement internationales. Les dernières années, le désintérêt du grand public pour le jazz au profit du pop-rock contraint Davis à une évolution vers le binaire électrique. Nostalgique des véritables heures de gloire, l'auteur dénonce la pauvreté de cette période dans des pages qui, heureusement pour nous, sont les ultimes d'une ascension au sommet de l'ennui.

LB