• pages de chevet

« Il est souvent difficile de parler de musique contemporaine, disait Debussy en 1914. Les événements s’accumulent à une vitesse incroyable et essayer de leur trouver une convergence aboutit souvent à des impossibilités. Au point où en est actuellement l’art musical, qui pourrait faire un choix entre les nombreuses routes divergentes que suivent les compositeurs ? La tâche est véritablement embarrassante ».

Fort d’une existence vouée aux sons (bibliothécaire de l’Orchestre national de France, critique de disques pour un magazine, responsable artistique de deux festivals parisiens), Jean-Yves Bras propose non pas une histoire de la musique du XXe siècle, encore moins un bilan, mais une présentation des courants musicaux qui la traversent, avec la conviction que « comprendre c’est déjà commencer à aimer, et aimer c’est toujours s’enrichir ». Il s’attache à mettre en valeur et en perspective les compositeurs et les œuvres qui marquèrent le siècle par la nouveauté de leur langage, tant dans le domaine savant que populaire.

Pour ce faire, cette nouvelle édition d’un ouvrage de 2003 se divise en trois parties. La première étudie les sources des courants et brasse enseignement traditionnel (« au conservatoire, monsieur, on conserve »), écoles nationales, œuvres fondatrices de l’avant-garde, écrits théoriques, relai de la presse et de la radio, censure politique, instrumentarium renouvelé (ondes Martenot, synthétiseur), etc.

La deuxième partie analyse les langages théoriques qui les constituent – à savoir les éléments du langage musical (tonalité, courant modal, sérialisme intégral, micro-intervalles, timbres, bruitisme, musique concrète, acousmatique, etc.) et les genres (postromantisme, Gebrauchsmusik, easy listening, improvisation, etc.). On y croise bien souvent les noms de Schönberg, Webern, Satie, Debussy, Varèse, Messiaen, Xenakis, Cage et Boulez, ainsi que des débats sur la place des mathématiques et du hasard au sein de l’art musical.

Enfin, la troisième section se rapporte plus précisément aux tendances des musiques populaires, partagées entre métissages afro-américains (jazz, rythm’n blues, be-bop, soul, funk, reggae, rap, etc.) et culture anglo-saxonne (country, rock’n’roll, Brit pop, disco, techno, etc.). Ce gros-plan sur une musique commerciale illustre particulièrement la place de l’artiste du XXe siècle au centre d’une multitude d’influences, créant à son tour des confluences sans complexes par rapport aux dogmes d’après-guerre. « Voilà pourquoi, conclut Jean-Yves Bras, les maîtres mots des deux dernières décennies sont revival, emprunt, fusion ». Peut-être une clé pour comprendre ce début de XXIe siècle ?

LB