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Chroniques
Johann Adolf Hasse
Siroe, re di Persia | Shiruyih, roi de Perse
Johann Adolf Hasse (1699-1783) passe une grande partie de sa vie dans les cours friandes de musique italienne, comme Dresde et Vienne. Époux du célèbre mezzo-soprano Faustina Bordoni, il caro Sassonne laisse plusieurs dizaines d’opéras qui contribuent à sa réputation (cinquante ? soixante-dix ? Les sources diffèrent), d’Antioco (1721) à Ruggiero (1771). Quelques années après la sérénade Marc’Antonio e Cleopatra (1725) [lire notre critique du CD], Hasse revient à l’Antiquité avec Siroe, re di Persia, créé au Teatro Malvezzi de Bologne, le 2 mai 1733 – sur les traces de ses confères Vinci, Porta, Porpora, Sarro, Vivaldi et Händel, attachés au même livret entre 1726 et 1728. Sa structure en est remaniée pour une nouvelle présentation, le 3 août 1763, au Großes Königliches Opernhaus am Zwingerhof (Dresde).
Siroe est en disgrâce pour avoir refusé son soutien au frère cadet Medarse que leur père Cosroe, roi de Perse, désigne comme son successeur favori. Cependant, il est horrifié que son amante Emira, princesse travestie en guerrier, projette de tuer Cosroe, meurtrier de son propre géniteur. La situation se complique encore : Laodice se languit d’amour pour l’héritier légitime, alors même qu’elle partage la couche du roi. Seul Arasse, général des armées et ami fidèle, reste un soutien solide, alors même que Siroe est accusé d’attenter à la vertu de Laodice et à la vie de Cosroe. Après toute une série de quiproquos et d’aveux, le prince est emprisonné mais bientôt libéré par la force. C’est l’heure des pardons et de l’abdication en faveur du rôle-titre.
« Siroe se termine sur une révolte populaire, le renversement du tyran et l’avènement d’une nouvelle ère, explique le contreténor Max Emanuel Cenčić qui vient de porter l’ouvrage à la scène [lire notre entretien]. […] Une ère conforme aux principes chrétiens de l’amour du prochain et du pardon ? Ou plutôt un nouvel ordre mondial guidé par les idéaux francs-maçons ? Métastase formule souvent les choses de manière sous-jacente et ambiguë ».
Comme déjà constaté à Versailles il y a peu [lire notre critique du 26 novembre 2014], les voix sont la principale déception de cette renaissance. Cenčić lui-même n’est pas en cause, comme toujours souple, onctueux et corsé ; ni Mary-Ellen Nesi (Emira), avec un bel air de fureur qui met en avant rondeur et couleur (Acte III, scène 4), ou encore Lauren Snouffer (Arasse), au chant tranquille et bien mené. Mais le vaillant Juan Sancho (Cosroe), usant d’un grand souffle, confond expressivité et agressivité ; Franco Fagioli (Medarse) offre des récitatifs perçants et des vocalises peu fluides, tandis que Julia Lezhneva (Laodice) combine agilité et ingratitude. Enfin, à la tête d’Armonia Atenea, qui joue sur instruments d’époque, George Petrou apparaît souvent rêche, décharné et étriqué.
LB