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Chroniques
Johann Adolf Hasse
Marc’Antonio e Cleopatra | Marc Antoine et Cléopâtre
Parmi ses nombreux trésors, la Bibliothèque nationale autrichienne (Vienne) conserve l’unique manuscrit disponible de Marc’Antonio e Cleopatra, une serenata signée Johann Adolph Hasse, compositeur allemand né à Bergedorf (1699), mort à Venise (1783). D’abord connu comme ténor de la compagnie d'opéra du Gänsemarkt (Hambourg), ce fils d’organiste est un représentant typique de ce que fut l’opera seria au XVIIIe siècle, à la fécondité réputée : une cinquantaine d’opéras – d’Antioco (1721) à Ruggiero (1771) –, une dizaine d’intermèdes et autant d’oratorios, parmi lesquels le désormais célèbre Serpentes ignei in deserto (1740) [lire notre critique du CD], etc.
Avant de s’installer à Dresde pour une bonne trentaine d’années (1733), le jeune Hasse fait connaître ses ouvrages lyriques à Venise (en tant que maître de chapelle au Conservatoire des Incurables), Turin, Rome et Bologne. Mais c’est Naples qui l’accueille tout d’abord. En héritier de Schütz et Händel, il s’y forme à l’art italien auprès de Nicolò Porpora et d’Alessandro Scarlatti, et compose quelques sérénades à usage domestique : Semele (1726), Enea in Caonia (1727), puis l’œuvre qui nous occupe aujourd’hui, présentée en septembre 1725 chez le conseiller royal Carlo Carmignano.
Comme il est d’usage avec ce genre qui s’inspire de la mythologie ou de l’histoire, souvent de façon allégorique, les émotions comptent plus que les rebondissements. Le poète et impresario Francesco Ricciardi n’y déroge pas dans un livret qui met en scène les deux rôles-titres lors de la bataille décisive d’Actium. En effet, le 2 septembre 31 av. J.-C. la flotte d’Octave défait Marc Antoine et Cléopâtre VII dans le golfe Ambracique (nord-ouest de la Grèce), marquant ainsi la naissance de l’Empire romain et la prise de pouvoir du fils adoptif de Jules César sous le nom d’Auguste. Moins d’un an plus tard, les deux amants se suicident.
Pour échanger serments, angoisses et promesses d’un drame chambriste d’une certaine modernité, le mezzo-soprano Vivica Genaux et le soprano Francesca Lombardi Mazzulli reprennent les rôles créés par le contralto Victoria Tesi (1700-1735) et le castrat Carlo Broschi (1705-1782), alias Farinelli, tout jeunes alors. La première ne manque ni de souffle ni de souplesse, tandis que la seconde, toujours agile, s’avère tout d’abord expressive, à la limite de l’agressivité parfois, puis plus nuancée au temps des lamentations, comme en témoigne l’air Quel candido armellino.
Les deux solistes sont accompagnées par Le Musiche Nove, ensemble qui joue sur instruments d’époque et abrite les violoncellistes Giuseppe Mulè, théorbiste Marco Pesci et claveciniste Federica Bianchi, assurant la grande variété de la basse continue. Si Claudio Osele inquiète tout d’abord avec une Sinfonia d’une prestesse assez lisse, il offre ensuite plus de relief et de caractère à sa lecture d’un ouvrage qui n’est certes pas essentiel mais, comme le veut la formule, s’avère de bonne compagnie. Notre dernier mot concerne la notice, seulement accessible aux anglo-germanophones.
LB