Chroniques

par laurent bergnach

Johann Sebastian Bach
Weihnachtsoratorium

2 DVD EuroArts (2014)
2045098
Fin 1999, Gardiner inaugure son pélerinage Bach avec l'Oratorio de Noël

Outre les deux Passions qui nous sont parvenues sur les cinq qu’il écrivit, Johann Sebastian Bach (1685-1750) laisse trois oratorios : celui de Pâques (Oster-Oratorium BWV 249), de l’Ascension (Lobet Gott in seinen Reichen BWV 11) et, sans doute le plus connu, celui de Noël BWV 248. Composée pour Leipzig en 1734, ce dernier regroupe en fait six cantates qui célèbrent respectivement les trois premiers jours du Christ, sa circoncision (Nouvel An), le premier dimanche de l’année et, enfin, la visite des Roi mages à l’humble demeure de la Sainte Famille (Épiphanie). Qu’ils soient récités ou chantés, les textes proviennent du Nouveau Testament ; quant à lui, un quart du matériau musical est extrait d’anciennes pages sacrées de Bach, voire même profanes – ce qu’on nomme contrefacture.

En 2000, on célébrait la mort de Bach, voilà deux cent cinquante ans. En guise d’hommage à sa créativité, John Eliot Gardiner décide de présenter chaque dimanche une cantate parmi les deux cents conservées du maître, pour la plupart méconnues après avoir été boudées. Intitulée The Bach Cantata Pilgrimage, sa tournée démarre les 23 et 27 décembre 1999 à l’Église Saint-Pierre et Saint-Paul (Herderkirche) de Weimar, ville où Bach fut organiste de cour durant neuf ans (1708-1717), pour se terminer à New York, un 31 décembre. En tout, The Monteverdi Choir et The English Baroque Soloists visitèrent quinze pays et donnèrent quatre-vingt concerts. Des années plus tard, au moment de publier une biographie du Cantor de Saint-Thomas, Gardiner confierait :

« pour moi, les cantates de Bach sont ce qu’il a composé de plus beau, car on sent, derrière le masque de sévérité, une véritable sympathie pour les gens qui ont des problèmes et qui doutent, à qui il offre ce château dans le ciel, cette musique mystérieuse et invisible, pleine de vie et d’énergie qui traduit l’idée d’un monde parfait » (Libération, 13 octobre 2014).

Attentif à souligner avec souplesse et nuance un passage méditatif et serein (Ouverture d’Am Zweiten Weihnachstag) ou, au contraire, la jubilation (chœur initial des cinquième et sixième cantates), Gardiner s’entoure de solistes solides. Inspirée sans ferveur ostentatoire, Bernarda Fink (mezzo) séduit par une technique parfaite – legato, respiration, etc. Une même facilité se retrouve chez Claron McFadden (soprano) au chant direct et pur, déjà apprécié dans Les Indes galantes et La Didone [lire notre critique du DVD]. Fâché avec quelques vocalises, Christoph Genz (ténor) offre des sotto voce réussis, d’une voix tendre et droite. Seul déçoit Dietrich Henschel (baryton), qui livre avec brutalité des phrases maniérées et pas toujours justes.

Outre cette musique édénique jouée sur instruments d’époque, on peut aborder deux reportages de vingt-six minutes chacun, mosaïque de répétitions, d’émouvantes promenades sur les traces de Bach (Eisenach, Leipzig, Pomßen, etc.) et d’entretiens desquels on retiendra ce constat du chef anglais : « l’Oratorio de Noël, malgré sa rigueur, sa discipline et ses proportions presque mathématiques, montre que l’âme humaine a le droit de s’élever et d’être libre ».

LB