Recherche
Chroniques
Johann Sebastian Bach
Concerti brandebourgeois BWV 1046 à BWV 1051
Un illustre Saxon devait imaginer un jour de s'inspirer de la musique italienne dans sa propre production. Outre les nombreuses transcriptions pour clavier de pages pour d'autres instruments, qu'elles proviennent de Corelli, Marcello ou Vivaldi, Johann Sebastian Bach aventura sa facture dans l'écriture de concerti, faisant se confronter la fantaisie de ses sources à la rigueur de sa pensée musicale. Outre quelques célèbres partitions pour violon ou plusieurs violons, pour claviers ou plusieurs claviers, on lui doit les six concerts à plusieurs dédiées au Marggraf de Brandenbourg, sur lesquels Rinaldo Alessandrini et ses musiciens du Concerto Italiano se sont penchés jusqu'à enregistrer ce coffret publié aujourd'hui par Naïve. Ainsi, cet élément italien qui féconda l'Allemand, principalement filé à travers l'utilisation du violon, partant qu'il sut également y mêler l'influence française, se trouve souligné par des artistes que l'on entend souvent dans les œuvres de Vivaldi ; un certain exotisme s'inverse donc, révélant alors, par delà une non négligeable distance séculaire, un constant souci formel allemand qui semble avoir mis en ordre les charmes de la manière italienne. On écoutera donc avec d'autant d'intérêt ces enregistrements parfaitement dosés – où l'excellence de la trompette de Gabriele Cassone fait les délices du Concerto en fa majeur n°2, par exemple – dont on appréciera l'équilibre idéal.
Avec ces Brandebourgeois BWV 1046 à 1051, le label livre un court DVD (environ trois quart d'heure) filmé avec talent par Philippe Béziat qui tourne ses angles sur les plafonds et statues en autant de volutes, usant de cette manière de prise de vue qu'au cinéma l'on appelle précisément baroque. On y rencontrera Rinaldo Alessandrini en répétition, expliquant qu'à ses yeux le travail du disque est peut-être le même que celui de l'écrivain prenant le temps de relire et de peaufiner ce qu'il fait. C'est émouvant de l'entendre souhaiter qu'un bon disque, même dix ans après qu'on l'ait acheté, ne se puisse démoder. Il échange là ses impressions sur Rome, ville musée regorgeant de palais, qui inspire particulièrement sa pratique de la musique baroque. Pour lui, les Brandebourgeois constituent une collection unique de concerti pour tous les instruments de l'orchestre d'alors. Le catalogue de musique purement instrumentale de Bach demeure très restreint, par rapport à sa musique vocale ; or, ce catalogue s'avère extrêmement complet. Derrière son clavecin, dans la fosse de l'Opéra de Strasbourg, le chef nous explique comment fonctionne ces œuvres, mettant l'accent sur le soin apporté à l'articulation.
Ce DVD nous aide-t-il à écouter le disque, ou aide-t-il Naïve à vendre le produit ? Tout un chacun se plaignant de la crise du disque, la question peut se poser en ses termes : le but est-il culturel ou promotionnel ? Sans doute un peu des deux. Sans doute sera-t-il préférable de ne pas s'interroger et d'en regarder les images – co-produites par Mezzo, Point du jour et Naïve, avec l'aide du Centre National de la Cinématographie – en toute candeur, ne s'attachant qu'au propos artistique d'Alessandrini, comme pour goûter mieux encore ses beaux enregistrements.
BB