Recherche
Chroniques
Johann Sebastian Bach
transcriptions par Busoni, Siloti et Saint-Saëns
La pianiste luxembourgeoise Sabine Weyer propose une compilation de transcriptions de pièces de Johann Sebastian Bach par Busoni, Siloti et Saint-Saëns. Le titre de son album,Bach to the future, est une allusion assumée au fameux film étasunien de science-fiction signé Robert Zemeckis (1985), allusion dont on a quelque difficulté à comprendre la logique. « Les transcriptions d’œuvres de Bach tournoient autour de l’œuvre centrale du disque comme une série d’images orientées vers le futur et guident l’auditeur dans son voyage à travers le temps. Le contenu musical de ce disque est construit comme (un) voyage de l’ombre vers la lumière […] », indique Sabine Weyer qui signe une notice bien ésotérique et convenue – bigre !
Trois compositeurs ont été choisis, parmi la dizaine qui transcrivit les chefs-d’œuvre du Cantor de Leipzig. Ferruccio Busoni (1866-1924), son plus fervent admirateur, lui a consacré sept volumes d’adaptations pour le piano, couvrant toutes les formes composées par Bach, de la musique instrumentale à la musique religieuse. La personnalité riche et fertile de ce grand compositeur, aujourd’hui quelque peu oublié, semble déconcerter Sabine Weyer qui ouvre son programme avec quatre extraits de cantates et chorals tous célèbres, dont le célèbre choral du veilleur, Wachet auf BWV 645. Dans ces pages où se sont illustrées les plus illustres, la pianiste semble en retrait et à la peine. Si elle maîtrise l’instrument, elle conduit sa lecture sans imagination, ralentissant à l’excès un jeu mortifère, trop pesant et sans magie. C’est d’autant plus regrettable qu’à force de craindre les couleurs trop romantiques et contrastées dont nous ont gratifiés certains de ses prédécesseurs, les morceaux choisis s’égrènent de façon monotone et interminable.
Avec la Suite française en ut mineur n°2 BWV 813, tout change ou presque. L’artiste (qui, comme il était d’usage avant le renouveau baroque, joue au piano cet opus dédié au clavecin) semble se libérer de l’étau qu’elle s’était étrangement imposée. Après une Allemande non dénuée de charme, une Courante très alerte et divertissante, la fameuse Sarabande redevient scolaire et ennuyeuse, l’interprète ralentissant au fur et à mesure le tempo de façon inexplicable. Le jeu de la Luxembourgeoise reste, hélas, irrégulier et hésitant, sauf pour la Gigue qui referme cette Suite qui semble plus l’inspirer. Les trois dernières parties sont acceptables, si l’on oublie les références les plus récentes, comme Murray Perahia (2016).
Alexandre Siloti (1863-1945) fut une personnalité marquante de la musique russe de la seconde partie du XIXe siècle. Pianiste, compositeur et chef d’orchestre, il écrivit plus de deux cents transcriptions et arrangements pour piano d’œuvres de Bach, Vivaldi, Beethoven, Liszt, Tchaïkovski, etc. Quatre tubes absolus poursuivent ce programme et trouvent Sabine Weyer plus à son aise. En fin de concert, ces petites pièces donnent lieu à des bis très appréciés par le public. Citons, entre autres, la fameuse Sicilienne extraite de la Sonate pour flûte et clavecin en mi bémol majeur BWV 1031 et surtout l’Aria de la Suite pour orchestre en ré majeur n°3 BWV 1068. Rien de révolutionnaire, mais ces opus s’écoutent sans déplaisir.
Pour terminer, le programme s’achève avec deux transcriptions d’œuvres pour violon solo, réalisées pour le piano par Camille Saint-Saëns : la Bourrée de la Partita en si mineur n°1 BWV 1002 et le Largo de la Sonate en ut majeur n°3 BWV 1005. Si la première, jouée de laborieuse façon, reste pesante et martelée, il n’en va pas de même de la seconde, au charme poétique et tendre. Inégal et incompréhensible !
MS