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Chroniques
Johannes Brahms
Concerto pour piano en si bémol majeur Op.83 n°2
À soixante-treize ans, après l’avoir tant et si bien joué mais encore gravé deux fois avec Claudio Abbado (Wiener Philharmoniker, 1977 ; Berliner Philharmoniker, 1995), l’immense Maurizio Pollini donnait à nouveau le Concerto pour piano et orchestre en si bémol majeur Op.83 n°2 de Johannes Brahms (1878-81), en janvier 2013, avec la prestigieuse Staatskapelle Dresden qu’il avait retrouvée un an et demi plus tôt pour une mémorable exécution du Concerto en ré mineur Op.15 n°1 (1854-58). Bien sûr, ces moments étaient dirigés par Christian Thielemann. Afin que les générations futures découvrent ce qu’ils eurent d’inoubliable, Deutsche Grammophon en a livré les captations live. Bonheur !
Passée la tendresse du cor introductif et l’onctuosité du piano, d’un style exquis, l’Allegro non troppo brille par la clarté de l’énoncé, sans grandiloquence aucune. L’entrée de l’orchestre s’y dessine dans la saveur moelleuse des cordes saxonnes, inimitables. L’emphase de la reprise du thème initial atteint à une aura luxueuse, conjuguant la richesse des timbres dresdois. Thielemann use d’un liant confortable dans les relais de pupitres, laissant prédominer le geste musical à la performance coloriste. Pollini prouve ici d’un souffle encore vert, main dans la main avec le chef qui fait somptueusement s’envoler ses cordes, avec grand panache. L’accusation de la modulation prend alors allure de verdict tragique. Pourtant, Thielemann, ne forçant rien, regarde calmement la partition à transmettre.
Après un premier final assez poussif, le Scherzo (Allegro appassionato) place sa hargne dans un clair-obscur compliqué. Complice, le chef s’en tient à la délicatesse de ses violons, contenant toute véhémence, et soudain allume les lustres, non sans pompe : la fascination brahmsienne pour le temps d’avant est bien là. Pas de rubato ni de limousine officielle dans cette lecture stricte. Le troisième mouvement s’ouvre dans le boisé formidable du violoncelle solo. Dans le développement, l’approche est avant tout chambriste, laissant au soliste le soin d’architecturer la suite. Mais le Più adagio est d’une austère rigueur, sans lyrisme, plat, sec ; dommage. Le miracle revient pour le rondo de fin (Allegro grazioso. Un poco più presto), et sa fameuse mélodie, paisible et fraiche. Ouf, les interprètes avancent sans « stabiloter » la verve tsigane ! Un sourire suave semble vous pénétrer alors, gracieux et bon.
Faut-il parler d’une version historique à posséder chez soi aux côtés d’autres enregistrements de haut niveau ? Peut-être, même si je préfère l’Andante par Pollini lui-même et Abbado en 1977, tellement aérien. Même si le pirate munichois de mars 2006 (chut !...), avec Mariss Jansons et le Symphonieorchester des Bayerichen Rundfunks, a plus d’éclat. Même si, pour ceux qui ne craignent pas le feu, l’effarement d’un Richter avec le Chicago Symphony Orchestra et Leinsdorf (1960), me transporte.
KO