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Chroniques
Johannes Brahms
Ein deutches Requiem
On sait combien Brahms tenait à ce que ses œuvres soient connues du plus grand nombre. En ces temps où l'on ne disposait pas encore d'enregistrement sonore, la seule alternative au concert était donc la réduction des grandes partitions pour effectif réduit, en général un ou deux pianos, parfois, un violon, un violoncelle ou une flûte, instruments da camera, par définition. Liszt, champion du genre, a ainsi transcrit l'ensemble des symphonies de Beethoven, un certain nombre de Lieder de Schubert et d'airs d'opéra de Verdi, Wagner, entre autres.
La version inédite au disque que nous propose Naïve aujourd'hui est donc la réduction pour deux pianos, soprano, baryton et chœur, telle que Brahms l'a souhaitée en 1869 : « Je me suis consacré à la noble tâche de rendre mon œuvre immortelle également accessible aux âmes dotées de quatre mains ».
En fait, il ne s'agit pas d'un simple arrangement mais d'une réécriture complète simplifiée, y compris des parties vocales, voulue par Brahms. La première écoute désempare pourtant l'auditeur le plus curieux et le mieux disposé, fanatique de ce Requiem hors normes… Globalement et pris séparément, chacun des artistes est certainement irréprochable, mais la magie n'opère pas. Les pianos sonnent creux et plats, sortes de caricatures de transcriptions d'œuvres difficiles que les jeunes pianistes en herbe aiment à jouer, loin des réalités inaccessibles de leurs aînés. Au mieux, Brigitte Engerer et Boris Berezovsky – qu'on a connus moins scolaires et plus inspirés – accompagnent de façon sèche et incroyablement atone, la triste schubertiade qui nous est restituée.
Privé de toute énergie, de force et de la violence habituelle, ce Requiem se trouve désincarné et, malgré la perfection du chœurAccentus qui n'est plus à louer, l'auditeur ne ressent aucune émotion ou presque. Serait-ce un parti pris de Laurence Equilbey qui, à quelques exceptions près, nous offre une série de sérénades mélancoliques plus qu'un Requiem cohérent ? Seules les interventions de Stéphane Degout, décidément toujours remarquable, après son Albert du dernierWerther entendu au Châtelet en avril, nous rappellent ce que cette partition peut avoir de grandiose, d'angoissant et de douloureux. Quant à Sandrine Piau, sa précieuse intervention tombe à plat, la jeune chanteuse semblant chanter un simple Lied. Elle n'est certes pas aidée par un piano incroyablement métronomique… Au moins aurait-elle pu tenter de nous offrir une vision moins indifférente, plus tendre et plus chaleureuse de cette cinquième partie qui s'intitule en français, « Je vous consolerai comme une mère console son enfant ».
Au final, une grande déception avec cette version révisée du chef-d'œuvre de Brahms, peut-être due, en partie, à la révision, elle-même…
MS