Chroniques

par laurent bergnach

Johannes Brahms
quatuors avec piano

2 CD La Dolce Volta (2020)
LDV 62.3
Geoffroy Couteau et le Quatuor Hermès jouent les quatuors avec piano de Brahms

Pour la musicologue Brigitte François-Sappey, la chose est sûre : « le massif des vingt-quatre partitions de chambre de Brahms domine la seconde moitié du XIXe siècle comme celui de Beethoven la première partie » (in Johannes Brahms – Chemins vers l’Absolu, Fayard, 2018) [lire notre critique de l’ouvrage]. Parmi celles-ci l’on compte trois quatuors pour piano et cordes, enregistrés ici dans la grande salle de l’Arsenal (Metz), à trois moments de l’année 2018.

Le 20 octobre 1860, le Sextuor à cordes en si bémol majeur Op.18 n°1 est créé à Hanovre ; il serait joué bientôt à Leipzig, Hambourg et Vienne. Brahms (1833-1897) est conscient d’éviter la comparaison, puisque rares sont les compositeurs à avoir exploré cet effectif avant lui. Quelques pièces vocales ou pianistiques plus tard, il s’attelle à un autre genre musical, certes marqué par l’empreinte de Mozart, Mendelssohn et Schumann, mais encore riche en possibilités de découverte. Ainsi naissent, avec un piano en place de second violon, le Quatuor en sol mineur Op.25 n°1, présenté le 16 novembre 1861 (Hambourg), puis le Quatuor en la majeur Op.26, le 29 novembre 1862 (Vienne).

Comme dans un précédent volume de la collection La Dolce Volta célébrant l’art chambriste du romantique allemand – Quintette Op.34, etc. (LDV 61) –, le pianiste Geoffroy Couteau se produit avec les membres du Quatuor Hermès [lire nos chroniques du 8 juillet 2012, puis des 5 et 6 novembre 2016] : Omer Bouchez, Elise Liu, Yung-Hsin Lou et Anthony Kondo. Ces Op.25 et Op.26, qu’ils savent maintenir dans la clarté et la délicatesse, offrent le plus souvent des mouvements paisibles – berceuse tranquille, aimable gaîté, charme bucolique, etc. – où viennent éclater deux ou trois bulles contraires – emportement inquiet, élan tragique, emphase lyrique, etc. Le rapport s’inverse dans les quatrièmes parties dédiées à la danse, trouées de quelques phases de repos ou de mélancolie.

Le 29 juillet 1856, Robert Schumann meurt à l’asile d’Endenich (près de Bonn) où il était enfermé depuis plus de deux ans. Cette absence prolongée de l’époux accentue la passion impossible de Johannes pour Clara, lequel entame ce qui deviendrait son Quatuor en do mineur Op.60 n°3. Il l’achève deux décennies plus tard, soit le temps nécessaire « pour passer des pulsions suicidaires à l’exorcisme », ainsi que l’écrit François-Sappey (ibid.) Si la veuve de Robert créa l’opus 25 avec un beau succès, c’est Brahms lui-même qui accompagne cette naissance au piano, le 18 novembre 1875 (Vienne). Accordant plus de place au dénuement et à l’économie de moyens, la plus courte pièce de la série charme par des climats davantage en demi-teintes.

LB