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Chroniques
John Adams
I was looking at the ceiling and then I saw the sky
Créateur polymorphe qui ne cesse de surprendre et d'étonner, John Adams (né en 1947) sait toujours tourner le dos aux attentes. Qui aurait pu penser qu'après le triomphe de ses opéras Nixon in China et The Death of Klinghoffer, il se lance dans une œuvre aussi hybride qu'inclassable que I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky, inspirée du tremblement de terre qui, en 1994, détruisit une partie de Los Angeles ? Ce fut pourtant le choix de l'artiste qui demanda au poète et essayiste June Jordan, spécialiste de la cause afro-américaine, de lui écrire un livret.
Le style hautement inclassable de la partition doit beaucoup à la comédie musicale, creuset de la culture américaine pour lequel le compositeur avoue une éternelle fascination – il fait sa première apparition sur scène dans une petite et familiale production de South Pacific où sa mère jouait Bloody Mary. Pas d'orchestre mais un simili groupe de rock avec clarinette, saxophone, claviers, guitare, basse et percussion et pas d'arias, mais un ensemble de 23 songs d'environ cinq minutes chacune, écrites dans un style très pop music. Sept chanteurs seulement représentent le multiculturalisme ambigu des États-Unis. Vision encore renforcée par Peter Sellars, éternel compère et metteur en scène attitré du compositeur américain qui, lors de la création, insistait sur les conflits sociaux de la mégapole étasunienne. Cette partition, dont la thématique assez proche de Brecht et de Kurt Weill est pleinement assumée par le musicien, rencontra un très beau succès en Europe.
Second enregistrement après la version enregistrée sous la direction d'Adams, ce disque Naxos ne peut s'imposer. Certes, les jeunes chanteurs – Martina Mühlpointner, Kimako Xavier Trotman, Markus Alexander Neisser, Jeanette Friedrich, Darius de Haas, Lilith Gardell, Jonas Holst – ne déméritent pas, mais il manque à cet album un cachet d'authenticité et surtout une énergie festive et déhanchée qui transcende la partition. La faute en incombe certainement au petit ensemble issu du Holst Sinfonietta et à son chef Klaus Simon, trop scolaire et germanique, là où l'auditeur attend dupeps et du tonus.
Pour écouter dans des conditions optimales cette fascinante partition qui renvoie aux oubliettes l'image d'un créateur figé dans le minimalisme, l'auditeur restera fidèle à la version historique de John Adams ; d'autant plus que ce double album Naxos équivaut presque au prix de l'exceptionnel disque Nonesuch.
PJT