Recherche
Chroniques
John Rutter
Mass of the children – Shadows – Wedding Canticle
Dans sa collection Choral Classics, Naxos propose un disque intéressant consacré à trois œuvres du Britannique John Rutter (né en 1945), brillant spécialiste de la musique religieuse, à laquelle il donna quelques partitions importantes – notamment une messe et un grand Requiem – et dont il parle régulièrement à travers le monde dans des cycles de conférences universitaires. La vie de Rutter est très attachée au chœur du Clare College, de l'Université de Cambridge. Enfant et jeune professionnel, il y chanta de nombreuses années, avant d'en devenir le directeur musical en 1975. On lui doit un catalogue abondant, quasiment inconnu en France, constitué de beaucoup de musique religieuse, ainsi que d'un Concerto pour piano, deux opéras pour les plus jeunes, et de la musique pour la télévision.
C'est dans le chœur d'enfants du Clare College que, petit garçon, Rutter a participé à la première du War Requiem de Britten, expérience qui l'a marqué à jamais, comme il le souligne dans le livret d'accompagnement du disque que nous présentons : « L'effet issu de la combinaison des voix d'enfants et d'adultes (dans l'œuvre de Britten) est unique, et je voulais écrire une œuvre qui mêle ces deux voix dans un contexte plus joyeux que celui d'un Requiem ». C'est ainsi qu'en 2002 Rutter eut l'idée d'écrire une grande Mass of the Children pleine de gaieté et d'entrain. L'œuvre, d'une ampleur équilibrée (35 minutes environ, pour cinq parties d'égales durées), est destinée à un chœur d'enfants, un soprano et un baryton solistes, un ensemble de chambre et un orgue. Il est à noter que Rutter a rédigé une seconde version pour grand orchestre que Naxos n'a pas retenue ici. D'une grande inventivité mélodique, cette messe en latin et en langue vernaculaire, la Mass of the Children est basée sur des textes de Thomas Ken, William Blake et la liturgie traditionnelle, dont la Missa Brevis. D'un accès immédiat, l'univers musical de Rutter, est inspiré de manière évidente de ceux de Britten et Vaughan Williams, mais possède cette originalité – en contexte britannique contemporain – de respirer l'optimisme et la bonne humeur. De cette œuvre remarquable, on retiendra notamment la séquence pour soprano solo du Finale (cinquième partie), Christ, be my guide today, où le soprano Angharad Gruffydd-Jones donne toute la mesure de la profondeur de cet univers et des potentialités de sa voix.
Le programme est complété par un cycle de songs composé en 1979 et intitulé Shadows. Il s'agit d'une série de huit chansons, relativement courtes, commandée par le duo scénique composé de Christopher Keyte (baryton) et John Mills (guitare). Hommage évident à la tradition musicale du luth anglais, ce cycle vocal, agréable mais sans grande originalité, renvoie à nouveau à l'univers musical d'un Britten ressuscitant l'Angleterre des XVI et XVIIe siècle, à l'après-guerre. Un sentiment diffus de mélancolie et de rêve halluciné se dégage de Shadows dont on retiendra le magnifique O Death, rock me asleep, composé d'après un poème anonyme, plein de ferveur religieuse et de profondeur mystique. Le barytonJeremy Huw Williams donne à cette chanson en particulier, et à tout le cycle vocal en général, une texture étrange, troublante, qui convient très bien à cet univers macabre et extravagant.
Le CD s’achève avec le très beau Wedding Canticle, écrit en 2004 en hommage à Tim Brown, qui fêtait alors ses vingt-cinq ans de direction musicale au Clare College de Cambridge. Il s'agit d'une pièce courte (cinq minutes) pour chœur mixte, flûte et guitare, conçue d'après le Psalm 28. L'efficacité mélancolique et grave de cet opus en fera – espérons-le – un tube dans les années à venir, dans bon nombre de services religieux britanniques et – rêvons ! – français. Tim Brown lui-même est à la baguette pour cet excellent enregistrement numérique, à la tête de son très cher Chœur du Clare College, et l'on n'aurait pu imaginer meilleure distribution pour ce programme musical. Le livret comporte une très courte présentation des œuvres par le compositeur lui-même, ainsi que les textes intégraux des œuvres enregistrées.
FXA