Chroniques

par laurent bergnach

Jonathan Harvey
Pensées sur la musique – La quête de l'esprit

L'Harmattan (2007) 180 pages
ISBN 978-2-296-03753-3
Pensées sur la musique – La quête de l'esprit, par Jonathan Harvey

« L'intelligence n'est rien d'autre que la foi analysée », écrivait Schubert. En 1962, en vue de faire venir d'éminentes personnalités musicales au campus de Berkeley, l'Université de Californie instaure les chaires de Professeur de musique et les conférences Ernst Bloch. En 1995, trente ans après le claveciniste Ralph Kirkpatrick qui les inaugurait, Jonathan Harvey (né en 1939) donne à son tour plusieurs rendez-vous à un public non spécialiste. Comme on le persuade de regrouper ces interventions en un volume, il les arrange quelque temps plus tard, souhaitant moins y recenser (encenser) ses compositeurs favoris – on trouvera en annexe, servant d'exemples, des pages de Bach, Mozart, Stravinsky, Webern, etc. – qu'adopter « une approche philosophique plus froide ; approche susceptible d'inviter le lecteur à se forger son propre savoir ».

En quatre parties, l'ouvrage explore les aspects de la musique et de la spiritualité dans les sphères où elles se confondent. Dans la première, Harvey commence par évoquer son propre voyage spirituel depuis qu'enfant, choriste dans une chapelle victorienne, il chantait quotidiennement et improvisait sur l'orgue, en secret. Adolescent en harmonie avec la nature, il découvre par la suite le mysticisme, la philosophie hégélienne de Rudolf Steiner, puis la méditation védique. Ces différentes expériences ont été déterminantes pour nombre d'œuvres – Ludus Amoris (1969), Bhakti (1982), La Madone de l'Hiver et du Printemps (1986), etc. – et les notions d'influence et d'effacement de soi sont subtilement abordées par le compositeur anglais.

Celui-ci interroge ensuite, plus profondément, la nature mystérieuse de la musique, capable d'unifier les contrastes, de cheminer vers l'unité tout en passant par la variété et en badinant avec l'ambiguïté. Pour lui, musique spectrale – avec Wagner comme pionner – et électronique – médiatrice de paix – ont opéré une renaissance de la perception ; il n'est pas anodin que Mélodies rituelles (1990), One Evening (1993) ou encore Tombeau de Messiaen (1994) nécessitent une bande sonore, ni que ses opéras Passion and Ressurection (1981) et Inquest of Love (1992) abordent le thème de la guérison. La renaissance de chacun comme être conscient dans le monde est donc la promesse que nous fait le créateur en nous livrant quelques clés « d'un voyage que nous sommes nombreux à partager ». Un livre à méditer.

LB